Du soleil plein la tête Affiche de film

Du soleil plein la tête

Eternal Sunshine of the Spotless Mind

  • Date de sortie: vendredi 19 mars 2004
  • Genre: Comédie

  • Réalisateur: Michel Gondry
  • Producteur: Steve Golin, Anthony Bregman
  • Site officiel: www.eternalsunshine.com
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Critique

Je serai totalement honnête avec vous (comme toujours): depuis Being John Malkovich, j'attends tout nouveau film écrit par Charlie Kaufman avec impatience. Ce fut ainsi pour Adaptation, un des meilleurs films de 2002, et c'était ainsi pour Eternal Sunshine of the Spotless Mind. Le titre, tiré d'un poème d'Alexander Pope, résume bien l'interrogation au centre de l'intrigue: Joel Barish tombe un jour amoureux de Clémentine, une excentrique jeune femme colorée de plus d'une façon. Au fil des mois, leur relation s'effrite et un jour, Joel découvre que Clémentine a fait appel à un procédé révolutionnaire pour effacer complètement Joel de sa mémoire. Blessé par cette apparente cruauté, Joel décide lui-aussi de retenir les services de la compagnie Lacuna et d'effacer tout souvenir de Clémentine. Mais au beau milieu de la procédure, Joel découvre certains bons souvenirs qu'il aimerait garder et commence à cacher Clémentine dans tous les recoins de sa mémoire. Les techniciens de Lacuna, eux, font tout ce qu'ils peuvent pour remplir leur contrat.

Du soleil plein la tête/Eternal Sunshine of the Spotless Mind est le genre de film que certains qualifieront, à tort, de prétentieux. C'est plutôt une illustration intelligente et inventive de réflexes absolument humains. Kaufman et le réalisateur Michel Gondry ont trouvé le moyen de matérialiser la mémoire humaine et le caractère irrationnel que peuvent avoir nos souvenirs. Parmi la myriades de questions que le brillant scénario de Kaufman pose, celle-ci est probablement l'essentielle: est-ce que les éphémères moments de joie de la vie à deux valent la douleur d'une relation qu'on sait qui finira mal? Ou encore: peut-on tout oublier des gens avec qui nous avons eu une relation sans laisser tomber des parcelles de nous-même?

Jim Carrey prouve encore qu'il est prêt à mettre son cœur de clown triste à nu, jouant sans artifice le rôle de Joel, un gars bien ordinaire qui ressemble à des millions d'autres gars. Ses réactions, réflexions et décisions sonnent vraies et les rares moments que le film lui laissent pour faire rire sont mérités. Il en va de même pour Kate Winslet, rarement plus enivrante, qui résiste à rendre Clémentine trop sympathique. Certaines séquences sont tellement vraies qu'on a l'impression d'épier un vrai couple. La cruauté dont peuvent faire preuve les amoureux l'un envers l'autre, les saletés qu'on peut se dire, les moments de bonheur total qui viennent nous surprendre, tout y est. C'est la plus grande qualité du film: c'est tellement humain que l'on rit et on est ému, souvent lors de la même séquence.

Si on trouvait que l'association Spike Jonze-Charlie Kaufman était idéale, celle avec Gondry se révèle encore plus fertile. Michel Gondry, réalisateur, a tourné des clips innovateurs avec des artistes aussi variés que Daft Punk, Lenny Kravitz, Radiohead, The White Stripes, IAM et plus. Il en résulte un film visuellement renversant sans être tape-à l'œil. Les effets sont discrets et viennent vraiment appuyer le récit et non nous aveugler avec du bonbon. Ils sont parfois si discrets qu'ils sont faciles à manquer et le spectateur s'aperçoit une fois la transformation terminée que le décor a complètement changé devant ses yeux.

Une partie du public trouvera le film déroutant, surtout parce qu'il peut l'être par moments. Kaufman fait toujours confiance à l'intelligence du spectateur et ne nous donne pas tout cuit dans le bec. Certains efforts sont nécessaires, des efforts d'ouverture d'esprit face à la forme du film, des efforts pour suivre la construction pas toujours linéaire du récit et des efforts pour savoir se laisser atteindre par les émotions simples du film, qui ne sont pas soulignées à gros traits.

Du soleil plein la tête s'avère le premier excellent film de 2004 et une expérience unique au cinéma, comme les autres œuvres tirées de scénarios de M.Kaufman.

par Nicolas Lacroix
vu en version originale anglaise

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