Les disparues Affiche de film

Les disparues

The Missing

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Critique

Nous sommes en plein cœur de l’Ouest américain d’antan. Une jeune femme à l’air déterminé, guérisseuse de vocation, arrache avec une paire de pinces la seule dent qui reste à une vieille dame malade, pour ainsi lui éviter une infection. Un homme mystérieux se présente chez la guérisseuse : c’est son père, qui a abandonné la vie de famille pour aller vivre chez les Indiens. Elle l’envoie paître mais acceptera bientôt son aide lorsque sa fille aînée est kidnappée par des Indiens.

Ron Howard est un cinéaste compétent, accompli sur le plan technique mais cherchant beaucoup, beaucoup trop à plaire à tout le monde. Ainsi, ses films sont souvent achevés mais vides, ne prenant aucune position et demeurant toujours très « politiquement corrects ». Avec la bonne histoire à raconter et une distribution charismatique, les résultats peuvent être bons (Apollo 13). Mais si les films d’Howard sont rarement ratés, ils ne sont jamais tout à fait géniaux non plus. Ces mêmes problèmes frappent son plus récent film, Les disparues/The Missing, qui va dans toutes les directions sans choisir de tracé clair.

Il est tout à fait légitime de pointer le lien entre Les disparues/The Missing et le film de 1956 La prisonnière du désert/The Searchers de John Ford, où John Wayne parcourait le désert à la recherche de sa nièce kidnappée par les Comanches. Les deux films mettent des hommes qui se sont isolés de leur famille, des étrangers dans leur propre monde qui redécouvriront leur humanité à travers une quête pratiquement homérique. Cependant, si le film de Ford était magnifique, ambigu et sans réponse facile, aucun de ces qualificatifs ne s’applique au film d’Howard.

Le film change constamment de ton, d’une façon déroutante et maladroite. De drame familial subtil, il se métamorphose en film d’épouvante, en western, en « road movie », puis en un de ces films aux réconciliations prévisibles et pleines de bons sentiments. Et ainsi de suite. Les vignettes de styles variés se succèdent donc à l’écran, parfois intéressantes, parfois lassantes. On dirait qu’Howard exorcise tous les styles de films auxquels il n’a pas encore touché en même temps. Une séquence tirée d’un Western classique ici, une séquence de thriller de tueur en série là, sans grâce et sans grande fluidité.

Heureusement pour lui les acteurs de calibre qu’il a engagés parviennent à maintenir l’intégrité du film pendant un certain temps. Cate Blanchett se donne à fond, fort bien accompagnée d’une fillette assez extraordinaire appelé Jenna Boyd. Tommy Lee Jones joue quant à lui... euh... Tommy Lee Jones, soit l’homme aux apparences dures qui révèle un grand cœur et un humour sympathique qu’on appelle toujours quand quelqu’un disparaît (voir Le fugitif, Chasse à l’homme, Double Jeopardy etc.). Il joue essentiellement le même rôle depuis 10 ans et à ce stade-ci, inutile de qualifier son travail.

Les disparues/The Missing n’offre aucune surprise et fort peu d’originalité. Tout se déroulera à peu près comme vous le devinerez. Même lorsque le film est cruel (et il l’est parfois, gratuitement et simplement pour pousser nos boutons émotifs), il reste politiquement correct. Dès les premières minutes un minimum de perspicacité permet de savoir exactement qui va mourir et qui va vivre, qu’il y aura quelques tentatives vouées à l’échec, question d’étirer la durée du film (trop long à 135 minutes), et que les fillettes ne seront pas réellement maltraitées. À chaque fois qu’on espère qu’enfin, Howard va faire un choix un peu plus osé, un peu moins évident et un peu plus controversé, non, il retombe dans le facile. Son film plaira à une partie du public, après tout ses films visent à attirer le plus de gens possible, et il n’est pas dénué d’intérêt. C’est seulement que le potentiel existait pour un film un peu plus recherché, un peu plus « sauvage » que ce que Ron Howard nous offre d’habitude. Meilleure chance la prochaine fois.

par Nicolas Lacroix
Vu en version originale anglaise
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