L'exorcist : le commencement Affiche de film

L'exorcist : le commencement

Exorcist: The Beginning

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Critique

Tout le monde déteste les longs préambules mais L'exorciste: le commencement a eu un historique plutôt mouvementé qui mérite d'être connu. Projet annoncé en 1998 après la réédition en salle du film original, le cinéaste John Frankenheimer (Ronin) doit d'abord s'occuper de L'exorciste: Dominion, avec Liam Neeson en vedette dans le rôle du Père Lakester Merrin (rôle joué par Max Von Sydow dans le premier Exorciste). Le décès de Frankenheimer en 2002 laisse le projet en pan, jusqu'à ce que Paul Schrader soit engagé.

Schrader, scénariste de Taxi Driver et réalisateur penchant plutôt pour le répertoire (Affliction), semble un choix étrange, n'ayant tourné qu'un seul film dans le genre de l'horreur, Cat People de 1982. Néanmoins, c'est lui que le studio Morgan Creek engage. Il réécrit le scénario pour en enlever les moments trop faciles et explicite pour façonner un suspense psychologique du style de Sixth Sense et reçoit de toute évidence l'aval du studio. Entre-temps, Neeson a accepté d'autres projets et c'est le suédois Stellan Skarsgard qui prend le rôle de Merrin.

Une fois le tournage terminé, C'est la panique soudaine chez Morgan Creek: le film en contient pas assez de chocs. Où sont les têtes qui tournent, les vomissures verdâtres? Le studio engage un monteur pour recouper le film de manière plus dynamique, à l'insu de Schrader. Ce dernier expulse le monteur et Morgan Creek ce sert de ceci comme excuse pour congédier Schrader et, dans un geste presque sans précédent, engager un nouveau réalisateur, réécrire le scénario et remplacer la plus grande partie de la distribution, sauf Skarsgard! Morgan Creek tourne donc deux fois L'exorciste: le commencement. On nous promet que la version de Schrader sera lancée sur DVD en même temps que la nouvelle, tournée par Renny Harlin, spécialiste de l'action (die Hard 2) qui a largement contribué à la faillite du studio Carolco avec son flop Cutthroat Island. C'est donc la version de Harlin qui est lancée en salle cette semaine.

Nous sommes en 1947 et la seconde guerre est terminée, laissant derrière de nombreuses victimes. Une de ces victimes est la foi de l'ex prêtre Lankester Merrin. Ce dernier s'est recyclé en archéologue et se voit contraint par l'armée britannique de venir examiner un site récemment mis à jour. Une église a été découverte enfouie en Afrique et elle semble dater de plusieurs années avant la naissance du christianisme! Une fois sur place, Merrin se rend bien vite compte qu'il se passe des choses mystérieuses qui ne peuvent être vraiment expliquées de façon naturelle…

Une fois toute la controverse, tous les déboires passés, que représente L'exorciste: le commencement comme film? Un film moyen, qui contient autant de bons éléments que de mauvais. Pour chaque moment de tension, pour chaque scène plus subtile, Harlin accole une séquence évidente et clichée, ou un effet horriblement mal fait. D'ailleurs, il n'existe aucune preuve aussi flagrante du sprint impossible pour lancer ce film à temps que la piètre qualité des effets par ordinateurs. Ils sont vraiment, mais vraiment horribles et viennent gâcher le plaisir de plusieurs scènes au potentiel terrifiant.

Le film ressemble à un compromis plus qu'à une vision cohérente et homogène. Un peu de psychologie par-ci, un peu de sang par-là, des scènes très lentes et d'autres hyper rapides. Il manque une ligne directrice au film et au ton qu'il malmène sans arrêt. Harlin filme à peu près tout de la façon la plus plate et la plus conventionnelle possible, ne faisant preuve d'aucune invention et donc ne nous surprenant que rarement. N'en déplaise au diable, son film n'a pas d'âme et a tout d'une commande professionnelle.

Stellan Skarsgard est à peu près le seul qui tire assez bien son épingle du jeu, restant généralement sobre malgré les dialogues parfois ridicules. Alan Ford (Brick Top dans Snatch) joue la caricature que son personnage exige tandis qu'Isabella Scorupco n'impressionne guerre non plus. Mais la faute ne repose pas vraiment sur eux mais sur le scénario schizophrène de Caleb Carr et Alexi Hawley. Pour chaque séquence donnant froid dans le dos, une autre impose le pire cliché (comme la séquence obligatoire de la fille sortant de la douche...).

On pourrait aussi se plaindre, avec raison, de la décision de Morgan Creek et Warner Brothers de nous dévoiler LA pièce majeure du puzzle dans la bande-annonce. Quelle belle idiotie… Et le pire c'est que, malgré tout cela, malgré les mauvais effets de synthèse et les lacunes de la réalisation, le film est efficace par moments. D'abord à cause du bagage qu'on y apporte (nos souvenirs du premier film), ensuite parce que certains passages sont réussis, enfin parce qu'on voit rarement l'horreur traitée au sérieux de nos jours sur grand écran.

L'exorcise: le commencement est donc à mi-chemin entre l'échec et la réussite, entre L'exorciste 2 et L'exorciste 3 au niveau qualité. Il sera néanmoins fascinant de comparer la version de Schrader lors de sa sortie sur DVD. D'ici là, si vous diminuez de beaucoup vos attentes, possible que L'exorciste: le commencement vous plaise.

par Nicolas Lacroix
vu en version originale anglaise

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