pr�s la Loi du Cochon, �rik Canuel s�est amus� � prendre tout le monde � contre-pied en r�alisant Nez rouge. Et parce qu�il aime particuli�rement se retrouver l� o� on ne l�attend pas, ce boulimique pr�pare actuellement l�adaptation du Survenant . Autre preuve de toute l��tendue de son talent. L�homme est du genre d�termin�, et son sens de l�esth�tisme aigu parvient � lui ouvrir bien des portes.

Dans quelques semaines � peine, Canuel reviendra d�ailleurs sur l�avant-sc�ne avec Le dernier tunnel, un coup d��clat d�j� ovationn� par l�industrie. Son nom,

d�sormais familier dans le milieu, risque alors de s�imposer d�finitivement aupr�s du public. La com�dienne Marie-France Marcotte, aussi de la distribution du Dernier tunnel , fait ici sa premi�re apparition au cin�ma. Pendant que Canuel nous parle de son coup d�enfer, Marcotte, elle, revient sur ce bapt�me qui permettra au public de mieux la conna�tre.

�rik Canuel

�rik, comment en �tes-vous arriv� � vous impliquer sur Le dernier tunnel?
E.C. Les producteurs �taient sur le coup depuis sept ans d�j�, mais ils avaient perdu le r�alisateur attach� au projet. Une amie commune nous a donc pr�sent�s et �a a cliqu�. Ils avaient alors achet� les droits du livre de Marcel Talon Et que �a saute ! � partir de l�, on a refait compl�tement le script. On en a parl� � l�auteur Paul Ohl, puis on a fait appel � Mario Bolduc, qui a fait un travail d�adaptation, et ensemble on a trouv� les param�tres.

On parle de quel type de modifications?
E.C. Les changements apport�s se situent au niveau du fil de l�intrigue. Le dernier tunnel est devenu un film de fiction et non une �uvre biographique. Le r�cit est librement inspir� du coup qu�a fait Talon. On s�est inspir� du vol pour faire un film de fiction. On s�est nourrit de ma rencontre avec Talon, oui. Mais on a pouss� plus loin au niveau des relations humaines. On a pris certaines libert�s qu�on assume parfaitement.

Vous dites avoir rencontr� Talon. Quel type de bonhomme est-ce?
E.C. Un type fort sympathique qui a fait face � de nombreuses difficult�s dans sa vie. Un bonhomme tr�s intelligent, mais aussi plut�t myst�rieux. On a parl� avec lui de la dichotomie au sein du groupe qu�il avait r�uni pour le vol. Les gens ne s�aimaient pas. Il y avait une �norme tension. C�est un vrai trip d�adr�naline, ce genre de coup. Cela am�ne une entr�e d�argent hallucinante. Avec autant, on vit comme des rois pendant quelques mois, puis on retombe tr�s bas. �a fait l�effet d�une drogue. Mais Talon, c�est aussi un gars d�une grande sensibilit�. Et partant de l�, on a d�velopp� sur son histoire d�amour.

L�intrigue se concentre-t-elle principalement sur le vol?
E.C. Non. On d�marre avec la sortie de prison de Talon. Puis on fait la pr�sentation des personnages. � partir de l�, on s�int�resse � la pr�paration du coup. On d�couvre comment les types s�y sont pris pour recruter leurs financiers. On prend aussi le temps de fouiller la personnalit� des gens et de scruter leurs liens affectifs. Talon, par exemple, vit une relation amoureuse houleuse. On s�y int�resse beaucoup. Il a aussi � transiger avec un agent de probation qui est magnifiquement jou� par C�line Bonnier. On s�int�resse � ce lien aussi. Et puis ces gars-l� ont pris plus de trois mois pour creuser leur tunnel. Faut comprendre l��puisement physique, le stress, la tension qui d�coule de tout �a.

Techniquement, est-ce que ce fut complexe comme tournage?
E.C. Absolument. Au niveau des d�cors surtout. On a tourn� au tunnel Beaudry, dans un froid intense, et souvent dans le noir. Et comme il fallait retrouver l�effet de profondeur d�un tunnel, on a film� plusieurs s�quences dans des endroits tr�s restreints. On ne pouvait donc pas aller et venir comme on voulait avec le mat�riel technique. Les effets de transition sont aussi assez nombreux.

Justement, quel aspect visuel cherchiez-vous � atteindre?
E.C. Visuellement, cela ressemble un peu � du David Fincher. On a pas cherch� � reproduire un look, mais c�est vrai que la texture du film peut correspondre un peu � celle de Panic Room. Je voulais aussi retrouver une atmosph�re de film d�auteur, tout en conservant un rythme commercial. Michael Mann y parvient d�ailleurs dans un film comme Heat , qui reste � la base un suspense, mais o� les relations interpersonnelles y sont tr�s bien d�velopp�es. J�ai aussi pouss� sur l�apport musical. Musicalement, il y a ici une vari�t� de couleurs. Chaque personnage a jusqu�� sa propre personnalit� musicale.

Pour un projet comme celui-ci, plus �lev�s sont les moyens financiers, plus grande est la libert�, non?
E.C. C�est vrai. Tu vois, on a film� en 29 jours un film qui aurait n�cessit� au moins 40 jours de tournage. Et tout l�argent re�u se retrouve � l��cran. Le dernier tunnel est certainement plus ambitieux que son budget. Si je compare avec ce qui se fait � Hollywood dans le m�me cr�neau, notre budget � nous �tait minuscule. On a eu 4,7 millions$. L��quivalent aux �tats-Unis se fait avec 35 � 40 millions$. Avec plus de moyens, j�aurais fais ce film comme je le voulais et non comme je le pouvais. Mais il n�y a pas de regrets. J�en suis extr�mement satisfait. C�est juste qu�avec plus de moyens, le peaufinage aurait �t� diff�rent et il y aurait eu moins de contraintes de lieux.

Parlons enfin de la distribution. Comment les choix se sont faits?
E.C. Lorsque je suis arriv� dans le d�cor, les producteurs avaient d�j� en t�te un casting qu�ils m�ont propos�. Michel C�t� et Jean Lapointe en faisaient partie. Je les ai rencontr�s et je les ai aim�s. Ce sont d�extraordinaires acteurs. Ensuite, d�un commun accord, on a ajout� d�autres noms. On a proc�d� par audition.

Marie-France Marcotte

Marie-France est d�ailleurs de celles qui se sont greff�es au projet en cours de route, apr�s avoir pass� une audition. En entrevue, l�actrice explique, tout sourire, la nature de son travail.

Parlez-nous un peu de votre parcours professionnel. Depuis votre sortie du conservatoire, qu�avez-vous surtout fait?
M-F.M. Apr�s avoir gradu� en 1989, j�ai �tudi� en Europe. J�ai alors fait beaucoup de th��tre. Autant des cr�ations que des classiques. J�ai fait �galement un peu de t�l�vision, mais mes racines sont au th��tre.

Quel type de personnage incarnez-vous dans Le dernier tunnel?
M-F.M. J�incarne Magie, une femme tr�s repr�sentative du peuple. Une fille ordinaire, simple, inspir�e de la blonde de Talon.

Quelle grande difficult� d�interpr�tation avez-vous rencontr�e?
M-F.M. J�ai fait beaucoup d�analyse et j�ai construit � partir du texte en cherchant � comprendre ce qu�elle vivait. J�ai eu beaucoup de latitude et de libert� de cr�ation. Mais Magie est une fille vuln�rable et affect�e par une trop lourde m�dication. L�investissement �motif est donc assez grand. Psychologiquement, Magie est plut�t fragile.

Dans ce film, vous donnez la r�plique � Michel C�t�. Est-ce intimidant de se retrouver sur un plateau avec des gens d�exp�rience comme lui?
M-F.M. Sur le plateau, j�avais vraiment besoin de me concentrer. Je n��tais pas du genre bout en train. Michel s�est fait tr�s vite rassurant. On a eu de beaux �changes. C�est tr�s stimulant de travailler avec quelqu�un de g�n�reux. On se sent vite en confiance. Mais j�ai g�n�ralement besoin de faire le vide avant une sc�ne, et de me ramener dans le moment pr�sent.

Et comment d�cririez-vous votre exp�rience sous la direction de �rik Canuel?
M-F.M. J�ai ador� travailler avec �rik. C�est un �tre extr�mement g�n�reux. Un gars si talentueux. Et son exigence ne fait pas en sorte de rendre les com�diens fous. On ne se sent pas traqu� avec lui. Il obtient ce qu�il d�sire en installant un climat de confiance avec ses acteurs. Et quand on se sent appr�ci�, on a toujours tendance � donner davantage.

Propos recueillis par V�ronique Juneau