The Brothers Grimm Affiche de film

The Brothers Grimm

The Brothers Grimm

  • Date de sortie: vendredi 26 août 2005
  • Genre: Comédie, horreur, thriller

  • Réalisateur: Terry Gilliam
  • Producteur: Charles Roven, Daniel Bobker
  • Scénario: Terry Gilliam, Tony Grisoni, Ehren Kruger
  • Studio: Alliance Films
  • Durée: 1h 58m
  • Site officiel: miramax.com/thebrothersgrimm/
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Critique

Le réalisateur Terry Gilliam aime bien les hurluberlus, les hommes à la limite de la folie et bercés par des inventions de leur esprit. Probablement parce qu’il s’identifie si facilement à eux. Un des cinéastes les plus visionnaires de l’ère moderne, Gilliam a eu une carrière, soyons polis, difficile. Il fut forcé de « kidnapper » Brazil, son chef-d’œuvre que le studio Universal ne voulait pas lancer. Son Fear and Loathing in Las Vegas reste incompris. The Man Who Killed Don Quixote n’a jamais vu le jour, pour devenir plutôt Lost in La Mancha, chronique d’un tournage où tout se retourne contre le cinéaste. Même Fisher King et 12 Singes n’ont pas connu le succès auxquels ils avaient droit. Il revient après 7 ans d’absence comme réalisateur avec Les Frères Grimm, un autre projet qui a connu d’énormes difficultés.

À la manière de Michael J. Fox dans Frighteners d’un autre visionnaire, Peter Jackson, les frères Will et Jacob Grimm vont de village en village, se faisant passer pour des chasseurs de démons et autres créatures sorties du bestiaire mythologique. Évidemment, Will et Jacob sont des charlatans qui ne cherchent qu’à gagner leur vie à l’aide de créatures qu’ils créées de toutes pièces. Une fois leur supercherie mise à jour par l’armée française qui occupe une ville allemande, les Grimm sont forcés par le commandant français de confronter un vrai mystère, celui des enfants d’un village qui disparaissent sans laisser de trace dans une forêt sinistre, victimes apparentes d’un grand méchant loup.

Son plus récent film ramène Gilliam dans le monde fantasmagorique des contes qu’il a exploré auparavant dans Time Bandits et Les Aventures du Baron Munchausen. S’inspirant des vrais frères Grimm, auteurs des contes aussi variés que Tom Pouce, Blanche-Neige, Hansel et Gretel, Le Petit Chaperon rouge et bien plus encore, Gilliam s’est lancé dans une nouvelle aventure aux difficultés et rebondissements insoupçonnés. Je crois que ça vaut la peine de vous les résumer.

Le studio MGM cherchait à faire le film depuis 2000, l’embauche de Gilliam fut annoncée en octobre 2002. Le tournage devait démarrer au début de 2003. En mars 2003, on annonce que Bob et Harvey Weinstein de Miramax/Dimension vont co-produire le film avec MGM. Au départ, Gilliam voulait Johnny Depp comme vedette, ce que les Weinstein refusent car Depp n’est pas une valeur sûre au box-office. Ils s’en mordront les doigts une fois Pirates des Caraïbes lancé. Gilliam embauche donc Matt Damon, Heath Ledger et Robin Williams, avec une participation possible de Nicole Kidman et Anthony Hopkins. Le projet piétine, Williams est remplacé par Peter Stormare, Kidman (remplacée par Monica Bellucci) et Hopkins abandonnent et le tournage débute finalement en juillet 2003, avec la fin prévue pour octobre.

Ce n'est qu'en décembre 2003 que le tournage prend fin. Au milieu du tournage, Harvey Weinstein congédie le directeur photo de Gilliam, insatisfait des images qu’il a vues jusqu’à maintenant. On annonce toute de même la sortie du film pour l’automne 2004. Mai 2004, le studio MGM annonce qu’il se retire complètement de la distribution du film en salle. Le mois suivant, on annonce que Les Frères Grimm sera lancé non pas en novembre 2004 mais en février 2005. Les problèmes des frères Weinstein avec Disney, la compagnie-mère du studio, n’y sont pas étrangers. En septembre, on le repousse à avril puis à novembre 2005! Entre-temps Gilliam complète un autre film, Tideland, pendant que son Grimm continue d’être déplacé presque chaque mois. Après une bande de 20 minutes présentée à Cannes en mai 2005, Gilliam et les Weinstein, maintenant indépendants de Disney, décident de lancer le film le 26 août. Et nous voilà.

Je vous ai raconté tout cela pour que vous ne soyez pas surpris de savoir ceci : Les Frères Grimm est horriblement décousu. On dirait quatre ou cinq films différents passés au mélangeur. Le ton, l’allure, le montage sont terriblement déficients, sans ligne directrice apparente. Pire et ironique, ce film qui concerne deux raconteurs se cherche désespérément une histoire, sans vraiment la trouver. Un conte de fée à la recherche d’un conte. Pas complètement dépourvu de magie, cependant.

La belle folie de Gilliam est présente de façon intermittente, dans de petits moments rapides mais bienvenus. Dans un petit bonhomme de pain d’épice qui s’approprie les yeux d’une petite fille. Dans ces arbres qui se déplacent pour brouiller les pistes. Dans l’humour grinçant qui pointe son nez de temps à autre.

La qualité de l’interprétation est aussi en dents de scie. Damon et Ledger ne sont pas mauvais. Peter Stormare et Jonathan Pryce cabotinent de façon éhontée alors que la présence de Bellucci tient plus du « cameo » que du rôle substantiel. Pour les effets spéciaux, c’est la même chose. Certains sont superbes, d’autres amateurs au maximum. Ce n’est pourtant pas parce qu’on a manqué de temps pour les compléter! Soupçonnons plutôt un manque de moyens.

L’historique est souvent gage de sa qualité finale. Les Frères Grimm ne fait pas exception. On a l’impression d’une vision grandiose handicapée par les interventions d’un studio qui est coutumier du fait. Un cinéaste coutumier du fait aussi. Peut-être que Gilliam rêve trop grand, même avec les moyens technologiques d’aujourd’hui.

par Nicolas Lacroix
vu en version originale anglaise

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