Une histoire de violence Affiche de film

Une histoire de violence

A History of Violence

  • Date de sortie: vendredi 23 septembre 2005 (limité)
  • Genre: Thriller

  • Réalisateur: David Cronenberg
  • Producteur: David Cronenberg, Chris Bender, J.C. Spink
  • Scénario: Josh Olsen
  • Studio: Alliance Films
  • Durée: 1h 36m
  • Site officiel: www.historyofviolence.com
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Critique

Plusieurs disent que voici le film le plus « grand public » du cinéaste canadien un peu tordu (de la meilleure façon) David Cronenberg. Faux. Une histoire de violence s’inscrit tout à fait dans les thèmes habituels de Cronenberg. Il s’agit d’une autre rencontre entre sexe et violence (Crash), entre les identités (Dead Ringers), entre le côté civilisé et le côté sauvage de l’humain (Rabid, The Brood). Que tous ces thèmes (et bien d’autres) soient soulevés par un film en apparence simple, qui pourrait plaire à un grand nombre de gens, relève presque du génie.

Tom Stall mène une petite vie presque parfaite. Sa femme Edie l’adore et cherche encore à le séduire après des années de mariage, il adore ses enfants et ils lui rendent bien, et Tom est apprécié dans sa petite communauté. Un soir, la sérénité de son existence est fracassée par l’irruption dans son commerce de deux criminels violents, que Tom réussira à abattre. À partir de ce moment fatidique, plus rien ne sera pareil pour la famille Stall.

Suite thématique à Voie de perdition/Road to Perdition et même Unforgiven d’Eastwood, Violence engage le spectateur au niveau intellectuel plus qu’émotif, une constance chez Cronenberg. La différence majeure cette fois c’est que le film peut être apprécié au premier niveau, sans qu’on y absorbe les nombreuses questions épineuses que le scénario soulève. Par contre, Cronenberg requiert un effort de la part du spectateur et n’apporte que peu de réponses aux innombrables questions soulevées. Prenez la finale par exemple, qui exige que le spectateur l’interprète selon son propre rapport avec la violence.

Sanglant, le film l’est certainement, mais sans devenir un spectacle. Cronenberg va encore plus loin que les autres dans la violence pour nous la rendre laide et choquante, alors que la plupart des films la glorifient. Un moment, il tourne comme un film d’action typique. Le moment d’après, il nous « met le nez dedans » en nous montrant le résultat direct. Voici donc ni plus ni moins qu’un drame d’horreur pour adultes, où le monstre est notre propre passé et l’inexorabilité d’une existence passée sous le signe de la violence.

Un Viggo Mortensen tout en nuance, une Maria Bello sans peur et un William Hurt déchaîné couronnent une distribution de premier ordre. Il n’y a rien à redire sur les interprétations, sans faille. Bello et Mortensen en particulier arrivent à évoquer une intimité rarement vue au cinéma, tant lors des deux scènes de sexe (absolument nécessaires, soit dit en passant) que dans les confrontations verbales.

La superbe musique d’Howard Shore rappelle beaucoup ses compositions pour un autre film de Cronenberg, Dead Zone.

Si quelques petits détails dérangent, c’est avant tout la mise en place du tableau, où Cronenberg et le scénario de Josh Olson (légèrement basé sur la bande dessinée de Vince Locke et John Wagner) soulignent sans subtilité le caractère « parfait » de l’existence de Tom Stall. Va pour le tableau à la Norman Rockwell mais un peu de retenue aurait donné une mise en contexte plus réaliste mais réduit le contraste avec leur existence après l’attaque.

À la fois réflexion sur le couple et les rôles qu’on y joue, sur notre attrait et répulsion envers la violence, sur les conséquences de celle-ci, sur la nature immuable de l’être humain et sur une foule d’autres aspects de notre existence, A History of Violence donne matière à réflexion bien après la levée du rideau. Ce film profond et complexe nous offre également l’opportunité d’observer le travail d’un réalisateur au sommet de son art et une de nos plus belles « richesses naturelles exportables ».

par Nicolas Lacroix
vu en version française

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