Grossesse surprise

Critique

C’est le rêve de plusieurs hommes : rencontrer une belle femme dans un bar et vivre une aventure d’un soir. C’est le cauchemar de plusieurs hommes : recevoir un coup de fil de la dite femme, huit semaines après cette torride nuit, et apprendre qu’elle est enceinte… de huit semaines. En tout cas, c’est une histoire assez inspirante et assez angoissante pour que Judd Apatow – le réalisateur et coscénariste de la comédie The 40 Year Old Virgin - ait choisi de s’en servir comme point de départ pour son deuxième long métrage : Knocked Up, un film aux qualités indéniables et à la forte trame narrative, mais qui prouve que ce n’est pas vrai que plus on est de fous, plus on rit…

Ben est un jeune homme qui aime la chair féminine, adore fumer de la marijuana et passe le plus clair de son temps à déconner avec ses potes qui sont aussi ses paresseux colocataires. De son côté, Alison est une femme de carrière et une célibataire réservée qui n’a jamais consommé de drogues. Ces deux êtres à priori que rien ne destine à une rencontre vont faire connaissance quand, un soir, Alison cherche à souligner de façon spéciale la promotion qu’elle vient tout juste d’obtenir. Mais, un peu comme pour leur prouver qu’ils avaient tort, le destin va leur mettre entre les mains un beau petit bébé.

Le réalisateur new-yorkais Judd Apatow a connu un succès inespéré à l’été 2005 (plus de 100 millions $US au box-office) en faisant ses premières armes au cinéma avec The 40 Year Old Virgin, une drôle et sympathique comédie. Une partie de cette réussite provenait du jeu des acteurs, surtout celle de Steve Carell. Normal, donc, qu’Apatow se tourne vers certains de ces mêmes acteurs pour donner vie à des personnages pris avec des problèmes qu’ils n’ont pas cherchés. Normal, oui, mais plus ou moins approprié quand on constate à quel point le Canadien Seth Rogen (Ben) et la blonde Katherine Heigl (Alison) ne parviennent pas réellement à habiter les scènes. Même chose pour Paul Rudd qui – en bon père de famille, mais en mari prisonnier de son couple – n’arrive pas à aller chercher ce je-ne-sais-quoi dont il est capable.

Une partie de la distribution est la même, donc, mais le thème central de cette étude du couple humain est différent. Cette fois, ce n’est pas la virginité qui requiert le plus d’attention, mais bien la paternité. Le scénario amène des questions importantes : Comment être un père quand on est rarement un homme? Pourquoi mettre au monde un enfant avec une femme dont on sait si peu de choses? Quoi faire lorsque la vie nous frappe de plein fouet alors qu’on est habitué à laisser les heures s’égrainer sans jamais chercher à les rentabiliser? Eh bien, Knocked Up les pose les unes après les autres avec force. Chaque constat est un coup de poing sur la gueule pour les deux acteurs de cette union improbable. C’est là une des grandes qualités de ce film qui repose sur des bases solides et très actuelles.

Comme Alison qui considère important de tenter de bâtir une relation avec le père de son futur enfant, on est bien prêt à donner la chance au coureur Judd Apatow qui signe ici seulement son deuxième long métrage. Or, un peu comme un sprinteur qui aurait choisi de prendre part à l’épreuve du 1500 mètres, on s’essouffle à voir les personnages tenter de s’acclimater à cette grossesse surprise. Et puis, force est d’admettre que ceux qui gravitent autour du nouveau couple bénéficient de trop de visibilité à l’écran pour ce qu’ils ont à donner en retour. Impossible également de passer sous silence ce langage cru – souvent bien senti il est vrai – mais vulgaire et répétitif qui finit par diluer le propos. On comprend rapidement l’intention derrière plusieurs scènes, mais on s’entête tout de même à nous répéter tout ça plusieurs fois.

Bref, sympathique, mais pas assez charmant ce Knocked Up. Un scénario rempli de bonnes intentions, au regard allumé et à la perspective que tout n’est pas toujours jojo. Un film rigolo par moments qui aurait par contre eu besoin d’un bon resserrement. Des acteurs qui semblent assez à l’aise, mais pour qui une direction avec un peu plus de poigne aurait été bénéfique. Ceux qui ont particulièrement aimé The 40 Year Old Virgin ne seront pas déstabilisés et apprécieront probablement plus que les autres. Non, l’été aux guichets n’appartiendra pas à Ben et Alison, mais plutôt à deux gars qui se font passer pour des homosexuels : Chuck et Larry.

Par Yan Lauzon

Vu en version originale anglaise