The 3 Little Pigs

Critique

Qui a dit que l’argent menait le monde? En tout cas, sûrement pas Mathieu, Christian et Rémi, les trois frères du premier long métrage de Patrick Huard Les 3 p’tits cochons. Pour eux, ce qui leur met le plus gros sourire aux lèvres, ce qui les rend fiers, ce qui leur procure des sensations inégalées n’a que quatre lettres, mais beaucoup de chair : le SEXE. Le seul hic, c’est que chacun de ces trois sympathiques trentenaires a une blonde. Eh oui. Mais oubliez là le drame, c’est d’une comédie dont il est question. Qu’on le veuille ou non.

Mathieu Quintal (Claude Legault) est un cochon. Marié et père de deux jeunes filles, il doit négocier tous les jours avec une situation financière précaire. Travaillant aux côtés d’une fort jolie collègue, il voudra à tout prix sauter la clôture. Peu importe les conséquences. Christian Quintal (Guillaume Lemay-Thivierge) est aussi un cochon. Ce n’est pas parce que son couple a des problèmes sexuels qu’il va se priver des plaisirs de la masturbation via le cybersexe et la pornographie. Tant pis pour sa vie bien rangée. Et malgré ce que pourraient croire ses deux frères, Rémi Quintal (Paul Doucet) est lui aussi un cochon. À l’aube de la quarantaine, il cache très bien son jeu à son entourage, surtout à sa femme qui croit à tort qu’il est bien différent de ses beaux-frères.

Les relations de couple et les façons de vivre avec l’adultère au quotidien. Voilà ce qui a intéressé le comédien Patrick Huard pour son passage derrière la caméra. Si ce sont les hommes qui semblent prendre le haut du pavé en ayant un plaisir évident lors de leurs « exploits », les femmes font encore mieux : elles réussissent rapidement à obtenir ce qu’elles veulent en utilisant la ruse. Là où certains verront dans le scénario le manque d’une prise de position forte concernant l’adultère, d’autres réussiront à apprécier l’éventail des situations et la gestion des différentes crises de couple. Mais pourquoi donc chercher à intégrer autant de moments dramatiques à cette comédie? Voilà ce qui accroche avec Les 3 p’tits cochons. Les scènes légères - où il est toujours question des plaisirs de la chair – atteignent généralement leur but : faire rire. Par contre, elles sont mollement supportées par une trame dramatique qui manque clairement de tonus.

Même si elle est composée de plusieurs talentueux acteurs québécois, la distribution du film manque un peu de punch à l’attaque. On aurait souhaité voir au moins une des cocues péter littéralement les plombs. Ce sont des femmes de caractère, mais qui n’explosent pas, se contentant trop souvent de regards assassins. On aurait aussi voulu moins sentir cette retenue que chacun des acteurs porte en lui. On se souviendra toutefois de la solide interprétation de Claude Legault en père de famille transformé au travail par son aventure extraconjugale. Il faut absolument le voir et l’entendre enguirlander un mauvais payeur qui tarde à effectuer ses remboursements à son institution financière. Dans le style propre et efficace de Claude Legault.

La réalisation de Patrick Huard n’est pas à tout casser. Par contre, elle est parsemée de quelques éléments fort intéressants et assez évocateurs comme la cabine téléphonique qui s’illumine sous les yeux de Mathieu quand il veut parler à sa future conquête. On peut aussi penser à l’averse qui frappe Hélène, la conjointe de Christian, sous le choc et sans le mot, lorsqu’elle le surprend dans d’explicites ébats amoureux. Non, Patrick Huard n’a pas ici cherché à en mettre plein la vue ou à tapisser son œuvre d’ambiances sonores. Il a plutôt laissé aux personnages la chance de se faire valoir et a cru à la portée des dialogues et à la force des expressions. Il n’a pas cherché le coup d’éclat, seulement à donner le ton juste.

À l’instar des trois obsédés qu’elle met en scène, Les 3 p’tits cochons est une comédie à prendre à la légère, mais possède un côté assez charmant. Elle aurait certes pu être rehaussée par une manipulation plus habile du scénario et un travail plus étoffé des scènes dramatiques, mais en nous faisant de l’œil, et avec son humour bon enfant, ses élans de jeunesse et son appétit sexuel, elle rend difficile de refuser son invitation.

Par Yan Lauzon

Vu en version originale française