Days of Darkness Affiche de film

Days of Darkness

L'âge des ténèbres

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Critique

Déclin, invasions barbares, ténèbres. Denys Arcand a beau teinter ses œuvres de comédie (aussi dramatique soit-elle), il broie de toute évidence beaucoup de noir. Ce troisième volet thématique à la trilogie de ses œuvres les plus connues plonge carrément dans le chaos du 21e siècle et si vous trouviez que le constat d’Arcand sur le système de santé était sombre, attendez de voir ce qu’il a à dire sur… tout le reste.

Jean-Marc Leblanc est un fonctionnaire québécois typique. Sa vie emmerdante et carrément chiante (liée à une femme qui l’est tout autant) le force à s’évader constamment dans ses pensées, donnant libre cours à ses fantasmes de justice instantanée et de conquêtes sexuelles constantes. Sauf que la réalité implacable du Québec contemporain finira bien par le rattraper.

Arcand peut avoir un côté ironique et cinglant tout à fait savoureux, quand il se fixe une ou deux cibles particulières. Dans son plus récent film par contre, il vise tellement large et tire tellement sur tout ce qui bouge qu’il fini par user notre capacité à absorber ses commentaires. Trop, c’est trop. Je peux vous faire la litanie de ce qui me choque, m’agace ou m’inquiète dans le monde pendant une heure trente. Vous hocheriez certainement la tête plusieurs fois pour signifier votre accord mais est-ce que cela ferait un bon film? Non. Surtout lorsque le rythme est défaillant. On se demande à un moment donné si Marc Labrèche ne va pas sortir une mitraillette de son sac et prendre d’assaut un restaurant de fast food, à la Michael Douglas dans Falling Down. Non, car pour Arcand le salut se trouve dans quelque chose de plus noble et de très idéaliste que je vous laisse le soin de découvrir.

Les cassures de ton sont omniprésentes dans L’Âge des ténèbres et n’aident en rien notre appréciation du film. On saute d’un incident à un autre, d’une séquence dramatique à un fantasme de Jean-Marc sans fluidité et sans finesse. Le film aurait peut-être gagné à être plus long? Qui sait. Néanmoins, une ambiance n’a pas le temps de s’installer qu’une autre s’insère grossièrement.

C’est d’autant plus dommage que Marc Labrèche est magistral dans son rôle principal. Les quelques moments qui viennent nous chercher lui sont en grande partie dus (ainsi qu’au scénario d’Arcand évidemment). D’ailleurs la plupart des acteurs sont au minimum bons, parfois excellents (celle qui incarne la mère de Jean-Marc).

Le cinéaste ne manque pas toujours sa cible : la panoplie de gens qui viennent chercher de l’aide auprès de Jean-Marc dans un stade olympique réaménagé en antre de la bureaucratie frappe fort, toutes les séquences à l’hôpital avec la mère de Jean-Marc également et la confrontation avec sa femme. Savoureusement ironique aussi cette séquence médiévale et ses allusions aux accommodements raisonnables. Malgré cela, on sort du film déprimé, certes, mais pas ému. Et devant un tel amalgame de tragédies et désespoirs, c’est un réel problème.

par Nicolas Lacroix
vu en version originale française

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