Lire et détruire Affiche de film

Lire et détruire

Burn After Reading

  • Date de sortie: vendredi 12 septembre 2008
  • Genre: Comédie

  • Réalisateur: Joel Coen, Ethan Coen
  • Producteur: Tim Bevan, Joel Coen, Ethan Coen, Eric Fellner
  • Scénario: Joel Coen, Ethan Coen
  • Studio: Alliance Films
  • Durée: 1h 36m
  • Site officiel: www.burnafterreading.com
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Critique

Les frères Coen adorent alterner entre drame sérieux et comédie absurde. Ils ont un goût particulier pour l’humour noir et ne font aucune concession lorsque vient le temps de pondre une œuvre cinématographique. Ce n’est pas parce qu’ils ont volé la vedette avec leur excellent No Country for Old Men/Non, ce pays n’est pas pour le vieil homme à la plus récente cérémonie des Oscars qu’ils allaient tenter de répéter cet exploit avec un long métrage dramatique. Au contraire, ils nous reviennent en force avec Burn After Reading/Lire et détruire, un drôle de film bien tissé sur une toile de crime. Voilà enfin une comédie digne du talent des frangins. Sans aucun doute leur meilleure à ce jour.

Cavalièrement réaffecté par son supérieur en raison d’un problème d’alcool, Osborne Cox abandonne son emploi au sein de la CIA. Voulant se venger de cette injustice, il rédige ses mémoires. Par contre, en raison du plan de sa femme qui cherche à divorcer, le manuscrit sur support informatique se retrouve dans les mains de deux employés d’un centre de conditionnement physique qui voient en cette découverte la chance de réaliser un gros coup d’argent. Pour une banale histoire de chirurgie esthétique et de rançon, le duo se retrouvera dans un pétrin qui laissera de graves séquelles.

Burn After Reading/Lire et détruire réunit une très impressionnante brochette d’acteurs. En plus de compter sur la rassurante présence de Brad Pitt et George Clooney, la comédie expose le talent de John Malkovich, Frances McDormand, Tilda Swinton et Richard Jenkins, tous extrêmement intenses. Jamais n’a-t-on vu Brad Pitt jouer le clown de service, ici un Chad sympathique et attentionné, mais ne mesurant pas l’ampleur de ses gestes. Employé de gym, il danse régulièrement sur la musique de son iPod, arbore fièrement une coiffure excentrique où règnent des mèches blondes et pourrait passer sa vie à boire du Gatorade! Enfin, un casting loin de ce qu’on lui propose généralement. Et Pitt retourne cette marque de confiance en offrant une interprétation juste, comique et rafraîchissante. Le moins que l’on puisse dire, c’est que son Chad ne passe pas inaperçu avec son côté faussement imprévisible et son attitude désinvolte.

La palme de ce noyau de personnages plus tordus les uns que les autres revient toutefois à Osborne Cox. Interprété par un John Malkovich au sommet de son art, cet ancien agent de la CIA offre des élans de colère hilarants et des réactions spontanées devant lesquelles il est impossible de ne pas broncher. Les femmes – Frances McDormand et Tilda Swinton - ont aussi leurs mots à dire et elles les disent fort bien. La première ne jure que par la chirurgie esthétique (elle souhaite quatre opérations!) alors que la deuxième s’amourache d’un coureur de jupons joué par un George Clooney peut-être un petit peu trop premier degré. Les éléments de surprise diversifiés occupent une place prépondérante dans cette comédie. Tenter de résister aux réflexions à haute voix de J.K. Simmons, grand patron de la CIA, relève de la torture. Si certains éléments sont évidemment tirés par les cheveux et sont trop gros pour les personnages qui en héritent, on doit reconnaître qu’ils s’insèrent parfaitement dans cet univers éclaté et souvent jouissif. Le crime – toujours payant pour les frères Coen – revêt ici une importance capitale, mais ne déteint pas sur le quotidien des protagonistes.

Un des meilleurs coups des frères Coen est d’avoir offert à chacun des acteurs des lignes de dialogues marquantes et des actions déterminantes. Même les personnages secondaires ont leur moment de gloire! Chacun reçoit sa part du gâteau. Voilà un processus d’écriture facile à dire et à penser, mais ardu à concrétiser. Tous les acteurs doivent négocier avec des moments de pur délire ainsi qu’avec des actions primordiales dans ce récit imaginatif. Chacun a ses tics, ses obsessions et ses idées de grandeur qui l’oblige à décrocher de la réalité. Entre deux élans de vulgarité et d’absurdité, chacun prend contact avec ses émotions et ses désirs, et se lance à l’assaut d’un projet risqué. Tout ça avec beaucoup d’humour grâce à un scénario concis, « punché » et efficace.

Avec Burn After Reading/Lire et détruire, les frères Coen prouvent qu’il est possible de faire de la comédie intelligente en mêlant humour noir et absurdité. Qu’il est possible d’éviter de parler de pipi, de caca et de pet pour provoquer des éclats de rire. Qu’il ne suffit pas d’enfiler les jurons et les énormités sexuelles (les frères Farrelly sont les maîtres incontestés de ces terribles excès) pour dilater la rate. Si certaines scènes n’ont pas le tonus qu’elles méritent et que d’autres ralentissent l’intrigue inutilement, une évidence saute aux yeux : Joel et Ethan savent faire du cinéma. Oubliez le suspense qu’il y aurait pu y avoir et laissez-vous plutôt entraînés dans cet univers disjoncté et coloré. Vous en ressortirez abasourdis.

Par Yan Lauzon

Vu en version originale anglaise.

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