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Harcelés

Lakeview Terrace

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Critique

Il est pratiquement impossible de choisir ses voisins. Peu importe où on emménage, on espère seulement avoir la chance de ne pas être entouré de gens aux prises avec de sérieux problèmes de comportement. Car c’est un véritable cauchemar que d’avoir à négocier tous les jours – un peu comme un adolescent victime de taxage à son école – avec un voisin dérangeant, agressif et épeurant. Quand une situation de la sorte nous frappe, quatre choix simples, mais lourds de conséquences s’offrent alors: ignorer, dénoncer, déménager ou répliquer. Mais avant d’en arriver à prendre une décision, la tension aura son mot à dire.

Le récit de Lakeview Terrace s’articule autour de Chris et Lisa, un couple qui achète sa première propriété dans un quartier cossu et en apparence fort paisible de Los Angeles. Mais aussitôt arrivés, ils sont la cible d’Abel, leur voisin policier. L’assaillant ne voit pas d’un bon œil leur relation interraciale et tente, au moyen d’une intimidation répétée, de les forcer à quitter la banlieue. Si Lisa en vient rapidement à évoquer la possibilité de vendre la maison, Chris choisit plutôt de retrousser ses manches et de montrer à Abel de quel bois il se chauffe. Ce petit jeu prendra des proportions déplorables et mènera au crime.

Pour capter l’attention du cinéphile, le réalisateur Neil LaBute a judicieusement choisi le rond-point où se situerait la totalité des scènes de son film Lakeview Terrace/Hantés. Visiblement, il a encore la vision esthétique et la direction artistique d’un bon cinéaste. Rien n’est laissé au hasard dans cette rue abritant des propriétés de plusieurs centaines de milliers de dollars… américains. À ce décor enviable, il faut ajouter une splendide piscine creusée, de grandes cours aménagées avec beaucoup de goût et, en prime, des citoyens qui n’ont nullement l’intention de s’immiscer dans la vie des gens. Bref, tout semble trop beau pour être vrai. Par contre, avec un être aussi instable émotionnellement qu’Abel, difficile de croire que les agissements de ce dernier ne provoquent aucun remous dans le voisinage.

Campé par un Samuel L. Jackson intense, Abel – ce voisin policier du LAPD qui élève seul ses enfants à la suite de la mort de sa femme – est un personnage déjanté, mais qui n’a pas hérité d’une grande subtilité. Malheureusement, la comparaison avec le jeu nuancé et juste de Denzel Washington dans le long métrage Training Day/Jour de formation refait surface, sans qu’on puisse y mettre un frein. Surtout que les quelques scènes de patrouille auraient grandement pu servir à étoffer davantage l’attitude et la psychologie de l’homme de loi. Cela n’enlève toutefois rien à la force de frappe de Jackson qui a pris un malin plaisir à tenir ce rôle. En jeune femme désireuse de fonder une famille, Kerry Washington offre une bonne dose de spontanéité et, somme toute, de crédibilité. Aux prises avec le rôle le moins évident – notamment en raison de réactions stéréotypées et de gestes peu réfléchis -, Patrick Wilson s’en tire avec une performance honnête. Disons que le scénario ne leur a pas donné une grande liberté…

Malgré le peu de nouveautés et d’éléments dignes d’intérêt qui se pointent à la vue de Lakeview Terrace/Hantés, les nombreux rebondissements, la relation entre les nouveaux arrivants et le policier ainsi que le fait que quiconque peut s’associer (en partie) à une histoire semblable permettent à l’ensemble de se tenir un certain temps. Du moins, de ne pas s’écrouler après trente minutes. Sans être marquante, la mise en scène de LaBute n’est pas excessive. Elle n’accentue en aucun temps la tension, mais ne s’entête pas non plus à prendre part au récit, de la même et maladroite manière que le ferait un film d’horreur de série B. Inexplicablement toutefois, le cinéaste a eu quelques moments d’égarement (concentration mal placée?) en optant pour des plans inutilement consacrés à l’agresseur, amenuisant ainsi l’impact de quelques séquences.

À l’instar de trop nombreux thrillers hollywoodiens, il est préférable de passer sous silence la finale un peu tout croche et tirée par les cheveux. Un scénario étiré sans raison valable, des traits de caractère conventionnels (Chis a peur de fonder une famille, accorde beaucoup d’importance à son travail, laisse difficilement parler ses émotions, etc.), une dénonciation mollasse du racisme loin de celle de l’excellent Crash de Paul Haggis et la présence inutile des feux de forêt (!) n’auront par contre pas complètement réussi à détruire le travail honnête effectué. L’intrigue de Lakeview Terrace est convenablement présentée et dispose d’une distribution honorable. Mais, à l’image de trop de ses prédécesseurs se retrouvant sur grand écran, le film de LaBute ne propose rien de nouveau sous le soleil.

Par Yan Lauzon

Vu en version originale anglaise.

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