Flash of Genius Affiche de film

Flash of Genius

Flash of Genius (v.o.a.)

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Critique

Beaucoup de réalisateurs américains se laissent tenter par un scénario basé sur une histoire vraie où le personnage principal est victime d’une flagrante injustice. La ténacité d’un homme ou d’une femme souvent seuls face à l’adversité représente inévitablement un intérêt pour quiconque cherche un personnage plus courageux que la moyenne, qui a des principes et surtout, qui les respecte. Tous les combats sont bons pour être portés au grand écran. Celui de l’inventeur de l’essuie-glace intermittent avait donc un charme relatif aux yeux de Marc Abraham pour qui le drame Flash of Genius est une première expérience derrière la caméra. Comme on dit, c’est le métier qui rentre…

Le récit se situe dans les années 1960 à Détroit. Il s’intéresse à Bob Kearns (Greg Kinnear), un père de famille qui fait vivre ses six enfants et sa femme en travaillant comme professeur dans une université de la ville. Une journée pluvieuse lui vient une idée qu’il considère géniale : donner de multiples vitesses aux essuie-glaces des voitures. Il se rend alors frapper à la porte du géant automobile Ford. Les dirigeants de la compagnie se montrent intéressés, mais se désistent du projet pour des raisons nébuleuses. Or, Kearns se rend compte peu de temps après que sa création a été mise en marché. De là, il ne voit d’autre alternative que de se battre pour que la vérité éclate.

Au cinéma, ce ne sont pas les exemples qui manquent quand vient le temps de parler de ces gens ordinaires injustement traités. Un récent film dont le résultat est satisfaisant est North Country/Le vent du nord mettant en vedette Charlize Theron dans la peau d’une ouvrière travaillant dans une mine. Différence majeure : alors qu’elle s’est fait voler une partie d’elle-même et qu’elle a été soumise à un climat de terreur, l’acteur Greg Kinnear a ici vu s’envoler en fumée son invention. Incomparable. Ce qui se dégage de l’ensemble de Flash of Genius? Un côté inoffensif qui ne permet nullement de ressentir à quel point l’inventeur peut se sentir floué. Comme si ce n’était pas suffisant, dans des temps difficiles où l’argent est pratiquement impossible à refuser, les gens de Ford offrent à Bob Kearns la mirobolante somme de 30 millions de dollars américains! Et il crache sur cet astronomique montant!

Heureusement, dans ce dédale de scènes sans véritable passion, il y a l’humour qui fait de brèves mais bienvenues apparitions. Sans avoir l’intention de provoquer l’hilarité, les passages comiques remettent le tout en perspective et dédramatisent une situation qui autrement aurait pu être très lourde. Ce sont probablement d’ailleurs les scènes les plus charmantes du film. Après tout, les personnages sont des gens ordinaires qui négocient avec les problèmes de la vie. Rien de plus, rien de moins. Le clan familial offre aussi un bel intérêt, chacun des membres ayant ses propres responsabilités. Ils auraient par contre pu davantage décharger le père de famille de l’important fardeau que le scénario lui fait porter.

Sans rien vouloir enlever à Greg Kinnear, à Dermot Mulroney (son meilleur ami) ou à Lauren Graham (sa femme et visiblement la plus convaincante du groupe), disons que leurs performances honnêtes ne rehaussent pas des personnages qui pensent, bougent et réagissent comme tant d’autres. Et qui, de surcroît, ne le font pas avec une plus grande conviction. Bref, rien de nouveau sous le soleil. Mais l’élément le plus difficile à compenser, c’est l’existence sans véritable passion que mènent les protagonistes. Une vie banale à l’attention un peu démesurée. Le sentiment qu’il y a des choses cent fois plus importantes auxquelles le père de famille devrait consacrer temps et énergies.

Quant au travail de Marc Abraham, disons que sa réalisation est convenue et sans risque. Il est évident que l’homme n’a voulu prendre aucune chance lorsqu’il s’est assis sur la chaise du réalisateur. Il s’est contenté d’observer. Par contre, il aurait dû considérablement modifier son film de deux façons. La première : en s’impliquant davantage au niveau du montage, en altérant et en supprimant de nombreuses scènes. Trop long ce Flash of Genius. La deuxième : en amenant des idées neuves et créatrices du côté de la direction artistique. Au moins ainsi, les failles du scénario auraient pu être un peu camouflées. Car il est fade ce Flash of Genius. Pas mauvais ni complètement inintéressant. Seulement commun. Non, l’essuie-glace intermittent ne passera pas à l’histoire. Du moins pas au cinéma.

Par Yan Lauzon

Vu en version originale anglaise.

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