Très actuelle, l’histoire basée sur le roman du colomniste américain David Ignatius est menée d’un bout à l’autre par Leonardo DiCaprio sous les traits de Roger Ferris, un agent de la CIA en mission en Jordanie pour pincer les terroristes qui s’attaquent aux citoyens. Confronté à de nombreux éléments qui compliquent sa tâche, il tente de récolter des informations tout en restant en vie. Dans les bureaux de Washington, son patron Ed Hoffman (Russell Crowe) lui donne des directives et le conseille. Par contre, peu importe à qui Ferris parle, il doit constamment se méfier. Le mensonge n’est jamais bien loin...
Ce n’est pas tout de diversifier un scénario avec des scènes dans différents pays. Encore faut-il y ajouter de la nouveauté, une vision différente voire même personnelle d’une problématique. Un vieux routier comme Ridley Scott devrait l’avoir compris depuis longtemps et donc, aurait dû faire son possible pour offrir une réalisation ne ressemblant pas à toutes celles qui aboutissent sur grand écran. Le cinéaste sait comment dynamiser un récit, comment donner du poids à certaines séquences. Et il le prouve encore une fois avec ce long métrage. Mais, à l’instar de nombreux de ses films, il verse dans l’excès en léchant tellement certaines scènes qu’il amenuise l’impact du propos qu’il met en images. Pourtant, il a les capacités (la scène où DiCaprio se débat sur une table est un exemple frappant) pour offrir un angle beaucoup plus près de la réalité.
L’intensité de Leonardo DiCaprio vient par contre muscler plusieurs scènes. L’acteur crève à nouveau l’écran dans la peau d’un personnage – Roger Ferris - qui alterne entre l’homme méritant une tonne de responsabilités et la recrue (même s’il n’en est plus une), se mettant le nez dans le danger et faisant confiance à des gens qui pourraient se retourner contre lui n’importe quand et n’importe où. À l’aise dans toutes les situations comme dans tous les pays, la star livre une fois de plus la marchandise. Quant à Russell Crowe, disons qu’il a hérité d’un drôle de personnage en Ed Hoffman. Un père de famille qui n’aurait pas dû l’être. Un des chefs de la CIA qui a le téléphone collé en permanence à l’oreille et qui passe le plus clair de son temps à regarder son protégé se démener au Moyen-Orient confortablement installé à Washington. Bref, un homme intéressant, mais qui détonne un peu avec son manque de prestance et son attitude détachée.
Reste que certaines scènes d’action sont franchement efficaces. Quelques attentats terroristes sont perpétrés lorsqu’on ne s’y attend pas et tous sont faits avec force, fracas et dommages. On nous emmène en plein cœur de l’action, là où le sol est un véritable champ de mines. Impossible de savoir quelle sera la prochaine cible des agresseurs. Pour mettre la main aux collets des influents et fautifs leaders, il faut faire confiance à quelqu’un mais il n’y a pas une entreprise qui ne soit pas extrêmement risquée. Se promener d’un pays à l’autre, parler à un tel et s’assurer qu’il ne va pas tout aller raconter quitte à devoir l’abattre sur place ; chacun des gestes compte alors il faut être alerte, comme l’apprend rapidement Roger Ferris. Fidèle aux bonnes habitudes hollywoodiennes, c’est toutefois encore un seul homme, très déterminée, contre une organisation bien roulée dont les membres n’ont pas peur de sacrifier leurs vies pour faire passer un message.
Clairement, en s’installant derrière la caméra pour Body of Lies/Une vie de mensonges, Ridley Scott a choisi de privilégier le film d’action aux moments intenses au lieu d’approfondir les relations entre les hommes d’impact et ceux qu’on appelle affectueusement « les pions ». Ce que ça donne? Un parcours à travers le monde diversifié et distrayant. Un homme qui donne tout ce qu’il a (et presque sa vie) pour faire une différence sur terre. Mais aussi un conflit et des événements peu élaborés. Un aspect un peu tape-à-l’œil superficiel. Un film divertissant, certes, mais qui manque de substance.
Par Yan Lauzon
Vu en version originale anglaise.