L'agent provocateur

Critique

Seth Rogen enchaîne les comédies à un rythme étonnant. Surtout depuis 2007, l’année où le déclic avec les cinéphiles s’est fait grâce à Knocked Up/Grossesse surprise. À partir de ce moment, sa carrière s’est mise en quatrième vitesse, passant allègrement de rôles dans des comédies de toutes sortes aux contrats qui lui ont permis de se faire entendre dans des films d’animation à succès. Ce Canadien d’origine est maintenant une des vedettes humoristiques les plus en vogue à Hollywood. Et quoiqu’il ne réussisse pas toujours à choisir un projet à la hauteur de son talent, suffisamment étoffé (il ne peut pas toujours être aux côtés de Judd Apatow), il continue son ascension. Observe and Report/L’agent provocateur ne fera que le ralentir un peu.

Ronnie Barnhardt (Rogen) est le chef de la sécurité au centre commercial de Forest Ridge. Et il prend son travail au sérieux. Très au sérieux. Mais avant tout, il rêve d’avoir comme petite amie Brandy (Anna Faris), la jolie caissière du rayon des cosmétiques qui se plaît à l’ignorer, et souhaite devenir policier. Ses talents de gardien de sécurité seront testés par l’arrivée d’un exhibitionniste qui effraiera les dames dans le stationnement de l’établissement. Par contre, il devra se méfier d’un homme qui tente de régler cette histoire avant lui, le détective Harrison de la police de Conway. La guerre est ouverte. Il y aura du sang.

La comédie d’action écrite et réalisée par Jody Hill (dont l’expérience au grand écran se résumait seulement à une autre comédie, The Foot Fist Way), débutait pourtant du bon pied, avec ce responsable de la sécurité qui regardait - attentif, sérieux et fier - les gens circuler dans « son » centre commercial. Or, dès qu’on sait que ce job est tout ce que le jeune homme a dans la vie, on constate que le rythme n’est pas assez soutenu. Sous des allures de Ronnie intense et un peu au-dessus de ses affaires, Seth Rogen accomplit du bon boulot, mais ce n’est pas suffisant. Il ne provoque pas les étincelles auxquelles il nous a déjà habitués. Il se démarque surtout dans le dernier tiers du film, à partir de ce moment où il va régler ses comptes avec le gérant d’un restaurant d’une chaîne rapide. C’est à ce moment que les choses se mettent à débouler et procurent de l’intérêt.

À la vue de Observe and Report/L’agent provocateur, on se rend une nouvelle fois compte qu’au cinéma, il faut plus que de bonnes intentions. Il faut des résultats. Une ambiance, une histoire, des êtres intéressants et, bien souvent, ce je-ne-sais-quoi qui fera que l’œuvre méritera qu’on s’en souvienne. Ce n’est pas tout, comme Ronnie, d’avoir une attitude un peu déjantée. Encore faut-il y mettre toute la gomme ou passer son chemin. Ici, on se situe encore deux mondes, entre deux ambiances. On veut que le résultat soit touchant mais aussi impossible, trop gros pour être vrai. Cela mène donc à des scènes rigolotes mais à d’autres un peu ennuyantes qui n’apportent rien à ce scénario dont les trous (malgré moins de 90 minutes) se font sentir. D’ailleurs, la maman de Ronnie aurait pu continuer à vivre son alcoolisme sans qu’il y ait des témoins. Cela aurait supprimé certains moments faibles.

Heureusement que certains des autres personnages secondaires ont de quoi faire sourire. Outre Anna Faris qui joue bien la blonde de service un peu trop confiante avec les hommes mais extrêmement peureuse, on retrouve notamment un Ray Liotta intense sous des allures d’inspecteur de police entêté à ne pas laisser Ronnie avoir le dessus avec cette histoire. Et puis, il y a Michael Peña dont le personnage est à mille lieues de ses apparitions dans World Trade Center ou encore Crash. Bref, de joyeuses surprises dans les trois cas. Cependant, il faut faire son deuil de personnages bien développés. Seul celui de Liotta a peut-être reçu un peu plus d’attention de la part du scénariste. Les autres lurons de la bande (dont les acolytes de Ronnie au centre commercial) n’ont pratiquement pas d’impact sur le déroulement de l’aventure.

Avec le parcours de Seth Rogen ces dernières années et ses récents succès au grand écran, on aurait pensé que son nom serait associé à une comédie de plus grande envergure. Son chef de la sécurité d’un centre commercial est énergique, mais pas assez charismatique. Il aime se servir des gros mots et intervenir dans des situations délicates, mais n’évolue pas dans l’univers qui lui conviendrait le mieux. Si certaines blagues sont parfois de mauvais goût (le pervers exhibitionniste se promène le monsieur bien à l’air), on reproche surtout à Observe and Report/L’agent provocateur sont manque de dynamisme. Le dernier tiers du film, assez bien fignolé, aurait dû servir de base. Pourtant, il se pointe trop tard.

Par Yan Lauzon

Vu en version originale anglaise.