Jeux de pouvoir Affiche de film

Jeux de pouvoir

State of Play

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Critique

Ce n’est pas toutes les semaines – ni même tous les mois – qu’un réalisateur peut se vanter d’avoir une distribution aussi étonnante pour un thriller dramatique. Eh bien Kevin Macdonald a obtenu cette chance avec State of Play/Jeux de pouvoir, disposant de Russell Crowe, Rachel McAdams, Ben Affleck, Helen Mirren, Robin Wright Penn, Jason Bateman et Jeff Daniels. Or, il n’a visiblement pas été en mesure de profiter pleinement de cette opportunité, car si son long métrage est assez divertissant, c’est en grande partie en raison des personnages et de l’histoire, quoique encore une fois tirée par les cheveux. Pour la réalisation et la direction d’acteurs, par contre, on repassera.

Le récit de State of Play/Jeux de pouvoir débute avec le meurtre d’un jeune homme, l’attaque perpétrée envers un autre et, pire encore, la mort de la maîtresse d’un influent membre du Congrès américain. Alors que ce dernier plonge à pieds joints dans la tourmente, deux journalistes du quotidien Washington Globe - l’expérimenté Cal McAffrey (Crowe) et la recrue Della Frye (McAdams) - décident de résoudre ce crime avant que la police puisse régler cette affaire. Mais plus les deux reporters récoltent des informations, plus ils se rendent compte que de gros joueurs sont impliqués dans des atrocités. Malgré cela, ils n’arrêteront pas avant d’avoir découvert la vérité, car pour eux c’est d’abord et avant tout l’information qui prime.

Sur papier, le thriller écrit notamment Troy Gilroy et mis en images par Kevin Macdonald marque des points. L’intrigue de base est tout à fait digne d’intérêt. Un homme politique au cœur de l’actualité se retrouvant dans l’eau chaude à la suite du décès d’une jeune femme avec qui il avait une liaison (dont sa femme n’était pas au courant) et des journalistes motivés à enquêter à tout prix sur une grosse histoire ont de quoi laisser présager de belles choses. Idem pour ces intrigants rôles qui ont été attribués, notamment à McAdams dans la peau d’une journaliste un peu pédante, à Mirren sous les traits de l’éditrice d’un journal et de Bateman en homme de relations publiques qui s’est fait exploiter. Or, sans véritables balises et sans scènes assez réussies, ils n’ont pas le mordant souhaité. Seuls McAdams et Crowe s’en tirent fort bien.

La détermination de la plupart des personnages – surtout les deux reporters – nous donne par contre envie d’y croire. De savoir qu’ils agissent dans l’illégalité, notamment en cachant des informations aux forces de l’ordre, a de quoi réjouir. Si les péripéties sont généralement invraisemblables, elles ont malgré tout un côté attirant. Et puis, elles se succèdent à un tel rythme que le cinéphile n’a pas beaucoup le temps de s’en faire. Évidemment, l’histoire est beaucoup trop intense et regorge de tant de dédales que la crédibilité n’a pas vraiment sa place. Malgré cela, la recette fonctionne à maintes reprises. Certaines scènes sont divertissantes et les échanges, bien souvent musclés, ajoutent du tonus à un récit qui veut trop en faire. Certes, tout est trop beau pour être vrai, mais l’univers offert a un certain charme. Le désir d’informer la population sur l’immense complot qui se déroule permet indubitablement à ceux qui se démènent de se forger un beau capital de sympathie.

Seulement, il faudrait que quelqu’un puisse dire à Kevin Macdonald qu’il n’a pas le droit de diminuer l’impact d’un film en ne pensant qu’à ses intérêts personnels. En tenant mordicus à montrer qu’il est capable d’apporter sa touche à un univers et en voulant sans relâche apposer sa signature sur les différents plans, il crée certains moments à la limite du risible et indigestes. On se demande à plusieurs reprises : pourquoi tant de mouvements durant une conversation? Et quel intérêt à entendre de la musique alors que deux individus discutent sérieusement? N’a-t-il aucune confiance en ce récit qu’il a transposé à l’écran? Si l’histoire l’intéresse, eh bien il cache bien son jeu, car il fait tout pour qu’on s’en éloigne.

Avec raison, on dit souvent qu’à trop vouloir en faire, on finit par passer à côté de quelque chose. C’est exactement le cas avec State of Play/Jeux de pouvoir. Pourtant, il n’était pas nécessaire de se donner toute cette misère, car l’idée était là et les acteurs étaient motivés. Ne restait plus qu’à resserrer le tout. Si une partie de l’équipe a offert un travail honnête, d’autres ont assurément des choses à se reprocher. Espérons que cette aventure permettra de tirer une leçon, car ce n’est pas normal qu’une base solide et des acteurs prêts à s’investir doivent compenser pour l’homme derrière la caméra…

Par Yan Lauzon

Vu en version originale anglaise.

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