La fille du New Jersey Affiche de film

La fille du New Jersey

Jersey Girl

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Critique

Lorsque le cinéaste Kevin Smith a lancé l'irrévérente comédie Jay et Silent Bob contre-attaquent en 2001, il avait annoncé le film comme la fin du cycle des 'chroniques du New Jersey' amorcé avec Clerks en 1994. Son prochain film serait totalement externe au monde dans lequel évoluaient Silent Bob, Banky, Holden, Dante et les autres. Oh boy… on en savait pas à quel point! Quand on a appris que Ben Affleck et Jennifer Lopez y joueraient ensemble, l'inquiétude monta d'un cran. Eh bien! Jennifer a beau n'y être que 10 minutes, le film ne fonctionne pas plus, même si ce n'est pas la faute de Ben et Jen. Jersey Girl ne s'adresse pas aux fans de Kevin Smith. Jersey Girl s'adresse aux gens qui courent les films sentimentaux où des enfants précoces apprendront des leçons de vie aux parents.

Ollie Trinke est un relationniste de presse au sommet de son art, en demande et complètement absorbé par son boulot. Il rencontre Gertie, une beauté tout aussi absorbée par son boulot et ils tombent en amour. Quelques mois plus tard, Gertie meurt en donnant naissance à leur fille. Ollie se retrouve donc veuf et père d'un seul coup et n'est préparé à aucune des deux éventualités. Avance rapide de sept ans et Ollie a tout mis en veille pour sa fille. Il travaille pour la voirie et habite avec son père. Puis l'occasion se présente pour Ollie de reprendre son ancienne vie…

On sent bien les bonnes intentions de Smith, bonnes intentions qui l'aveuglent et l'empêche de voir le caractère saccharin de son film. Smith a affirmé vouloir faire ce film en hommage à son père, décédé en 2003. On y sent également un amour sans borne pour sa fille. Mais toutes ces bonnes intentions n'empêchent pas Jersey Girl d'être généralement cucul, cliché et invraisemblable. Les dialogues, qui ont toujours été la force de Smith, sonnent artificiels et sans profondeur. Les moments d'émotions sont forcés.

Le personnage d'Ollie, tel que joué par Affleck, passe du trou du cul au bon papa avant de revenir trou du cul quelques secondes, le temps d'une épiphanie finale menant à une course folle à travers les rues du New Jersey. Les 20 dernières minutes du film cumulent les clichés, d'une prestation théâtrale calquée sur La famille Addams à une arrivée sur scène volée à About a boy.

Une petite poignée d'échanges, particulièrement lors d'un lunch entre Affleck et Liv Tyler, réjouissent et laissent entrevoir les qualités passées de Smith comme scénariste. Tyler est d'ailleurs, avec la petite Raquel Castro, le rayon de soleil du film, vivante, authentique et au charme dévastateur. La petite fille est une autre de ces très jeune actrices précoces, trop pour sembler vraie mais tout de même difficile à résister. Elle permet quelques séquences légères et plaisantes entre elle et Affleck.

Pour les habitués de l'œuvre de Smith, le résultat final est fort décevant, qui ne vole pas bien bien plus haut que la multitude de films manipulateurs et forcés du genre I am Sam ou Romance à Manhattan. La faute incombe plus à Smith qu'à Affleck, puisque Smith a écrit le scénario et réalisé le film. Encore plus dommage est que Jersey Girl est le film de Smith le plus achevé visuellement. L'embauche du directeur photo Vilmos Zsigmond y est certainement pour beaucoup. Le passage de Kevin Smith au cinéma plus commercial et plus grand public s'avère donc un accouchement difficile. On pourra cerner plus efficacement avec Le frelon vert/The Green Hornet (prochain film de Smith) quel genre de bébé ça donnera.

par Nicolas Lacroix
vu en version originale anglaise

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