Un long dimanche de fiançailles Affiche de film

Un long dimanche de fiançailles

A Very Long Engagement

Lire en anglais

Critique

Jean-Pierre Jeunet, le cinéaste visionnaire, nous revient après le succès phénoménal (et potentiellement écrasant) du Fabuleux destin d’Amélie Poulain. Cette fois il choisit un roman de Sébastien Japrisot, maître du suspense qui a déjà donné des classiques comme L’été meurtrier et Les enfants du marais.

Mathilde a vu partir avec tristesse son fiancé Manech à la guerre et n’a plus de nouvelles depuis. Trois ans se sont écoulés depuis qu’on lui a dit que Manech avait été exécuté avec quatre autres soldats accusés d’automutilation pour éviter de servir. Mathilde demeure convaincu que son Manech n’est pas mort et personne ne lui a encore apporté la preuve de la mort de celui-ci. Elle entame donc sa propre enquête pour découvrir ce qui s’est vraiment passé dans une tranchée nommée Bingo Crépuscule.

N’ayant pas lu le roman de Japrisot, publié en 1991, je ne peux que commenter le film, mélange généralement adroit de Martin Guerre, Cold Mountain, Rashomon et Amélie Poulain. L’enquête de Mathilde prend beaucoup d’espace et capte l’attention, attention nécessaire pour que le spectateur suive le dédale de pistes et de revirements de l’intrigue. Car si le thème central est une histoire d’amour, c’est un sentiment qui reste en périphérie. Les personnages et détails sont nombreux et justifient la durée de 2h15 du film.

Les personnages souffrent de l’intrigue touffue, manquant de profondeur et s’élevant rarement au-delà du stéréotype. Le film est visuellement magnifique mais implique trop peu le cœur et les émotions. Peut-être le contexte est-il à blâmer : la guerre dans toute son horreur et son caractère inhumain, juxtaposé à la simple beauté de la détermination et de l’amour. On ne prend connaissance de la relation de Mathilde et Manech que par de courts retours en arrière qui donnent peu d’espace aux acteurs. L’ampleur du récit force les coupures ici et là et c’est fort possiblement ce qui explique les trous dans la caractérisation.

Dans le lot d’acteurs et d’actrices, deux tirent particulièrement bien leur épingle du jeu : l’impayable Dominique Pinon, un habitué de Jeunet, et Jodie Foster, dont la vignette représente un des rares moments où l’on prend le temps de s’arrêter sur la vie d’un personnage particulier. Pour ceux et celles qui se le demandent, oui Foster parle un français impeccable. Elle a étudié en France et se double elle-même depuis des années.

Audrey Tautou, muse de Jeunet dans Amélie, a un rôle crucial mais plus effacé que dans Amélie. Sa présence est essentielle mais son rôle ne lui offre pas la chance d’être aussi lumineuse et marquante que dans sa collaboration précédente avec Jeunet.

Malgré le sujet qu’on pourrait croire lourd et sombre, le film ne l’est pas. Le ton est d’abord semblable à celui d’Amélie avec une narration constante et des illustrations fantaisistes de vignettes qu’un autre cinéaste aurait laissé tomber. L’humour est présent, surtout grâce à Pinon, allégeant les séquences plus dures. Car Jeunet n’a jamais eu peur du macabre et la guerre lui permet quelques séquences assez dures. Cette alternance de ton entre le léger et le tragique ne s’effectue pas toujours de façon harmonieuse mais ne choque jamais.

Les amateurs de Jeunet retrouveront la direction photo éclatante de Bruno Delbonnel, lui aussi de retour après Amélie. Les images regorgent de couleurs chaudes tandis que les séquences dans les tranchées baignent dans le glauque. Ce sont les images qui sont fabuleuses cette fois, par-dessus tout. À voir donc au cinéma sur le plus grand écran possible.

Un long dimanche de fiançailles est effectivement un peu long mais superbe. S’il n’est pas aussi engageant que le film précédent de Jeunet, il n’en demeure pas moins un très beau film qui plaira aux amateurs de films qui prennent leur temps pour raconter des histoires.

par Nicolas Lacroix
vu en version originale française

Change Location