The Life Aquatic With Steve Zissou

The Life Aquatic With Steve Zissou (v.f.)

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Critique

Les cinéastes modernes auxquels on peut décerner leur propre genre tellement ils possèdent un style personnel sont rares. Spike Jonze (Being John Malkovich), Paul Thomas Anderson (Punch-Drunk Love) et le scénariste Charlie Kaufman (Adaptation) font certainement partie de cette race, tout comme Wes Anderson, qui nous a donné il y a deux ans le fabuleux destin de Royal Tenenbaum. Anderson nous revient avec sa propre famille reconstituée pour The Life Aquatic with Steve Zissou, une tendre parodie/hommage à Jacques Cousteau qui aborde les thèmes chers à Anderson, principalement la relation père-fils.

Steve Zissou est un océanographe de réputation internationale mais depuis quelques années, ses documentaires tombent à plat et il semble avoir perdu l’étincelle de jadis. La mort de son partenaire et vieil ami (et figure paternelle) lors d’une récente expédition le pousse à se lancer dans une chasse au requin, expédition au cours de laquelle le passé et l’avenir de Zissou entrent en collision, notamment avec l’arrivée d’un prétendu fils illégitime.

Si vous avez vu et apprécié un des films précédents de Wes Anderson (Bottle Rocket ou Rushmore ou mon favori The Royal Tenenbaums), vous devriez apprécier ce film étrange, un peu décousu mais indéniablement charmant. Pour les autres qui n’ont jamais fait l’expérience d’un film d’Anderson, sachez qu’ils requièrent une forte appréciation de l’abstrait, du processus cinématographique et de la simple beauté visuelle que peuvent avoir des séquences de prime abord tout à fait incongrues. Le cinéma d’Anderson est excentrique, rempli de plans dont on soupçonne la signification sans avoir la certitude qu’ils ne sont pas présents simplement pace que le réalisateur voulait voir quel effet ils auraient.

Les films d’Anderson sont également indissociables de leur bande originale, qui donne une grande partie de leur charme aux œuvres. Pour Life Aquatic, Anderson s’appuie sur deux styles : une fois de plus sur les magnifiques compositions de Mark Mothersbaugh ainsi que des version portugaise de chansons de David Bowie par Seu Jorge, qui les chantent à l’écran, sur le bateau de Zissou accompagné seulement par sa guitare. Tout simplement délicieux.

The Life Aquatic est dramatique, comique et profond à parts égales. Ce n’est pas tant le fil ténu de l’intrigue qui nous garde intéressé que les personnages et le prochain moment d'émotion que prépare Anderson. Niveau personnage, le réalisateur s’est une fois de plus entouré d’une équipe incomparable mené par son comparse de Rushmore, Bill Murray, qui est tout simplement parfait. On peut lire à chaque moment dans son regard le dédain de Zissou pour lui-même, son impression d'arriver en fin de parcours et sa recherche du dernier chapitre de sa vie. Se greffent autour de lui Owen Wilson (moins agaçant qu’à l’habitude), Cate Blanchett, Angelica Houston, Bud Cort (Harold et Maude), un Willem Dafoe jamais plus drôle, Jeff Goldblum et une foule d’autres. Chacun des participants trouve la note juste.

En même temps qu’ils sont complètement irréalistes (dans les personnages farfelus, les situations inventées, le visuel très artificiel mais néanmoins superbe), les films d’Anderson sont chaotiques et imprévisibles, imitant la vraie vie. Ils peuvent sembler d’une légèreté (ou prétention) déconcertante, ou un peu trop « précieux » pour le public de masse mais ravissent les amateurs de cinéma comme œuvre d’art. Les plans du réalisateur ressemblent d’ailleurs à s’y méprendre à des tableaux vivants, notamment grâce à la direction photo de Robert Yeoman. C’est le genre de film ou l’on embarque ou pas. Vous le saurez après 15 minutes. Je vous souhaite le plus sincèrement du monde d’embarquer pour cette nouvelle expédition de Steve Zissou.

par Nicolas Lacroix
vu en version originale anglaise

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