Les désastreuses aventures des orphelins Baudelaire d'après Lemony Snicket Affiche de film

Les désastreuses aventures des orphelins Baudelaire d'après Lemony Snicket

Lemony Snicket's A Series of Unfortunate Events

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Critique

Une série de livres pour enfants encore plus sombre que Harry Potter? Oui, c’est possible. Quand deux des trois enfants sont nommés Klaus et Sunny (référence difficile à nier au couple Van Bulow), quand l’avocat s’appelle Poe, quand les mésaventures sont ponctués de meurtres, quand le machiavélique oncle n’hésite pas à marier sa nièce de 14 ans (dont il est le tuteur légal) pour hériter une fortune, on comprend qu’on se trouve bien loin de Winnie l’Ourson. Évidemment, le matériel source (les 11 romans de Daniel Handler) était encore plus sombre semble-t-il que ce que le réalisateur Brad Siberling (City of Angels) et le scénariste Robert Gordon (Men in Black 2) en ont tiré.

Violet, Klaus et Sunny Baudelaire se retrouvent soudainement orphelins après un mystérieux incendie qui les laisse sans parents et sans logis. L’avocat qui s’occupe de la succession les place donc chez leur plus proche parent, un acteur manqué du nom de Comte Olaf, que les enfants ne connaissent même pas. En moins de temps qu’il ne faut pour dire « Cendrillon », Olaf oblige les enfants à tout faire dans la maison en attendant de trouver comment mettre la main sur la fortune que leurs parents leur ont léguée. Olaf est prêt à tout, même sacrifier les enfants, pour obtenir l’argent. On place donc les enfants avec un autre membre de la famille mais les mésaventures ne font que commencer pour les trois petits Baudelaire.

Toute la publicité entourant le film concerne Jim Carrey dans la peau du comte Olaf. On peut comprendre puisque Olaf est le nuage noir qui plane sur toute la série de livres et parce que Carrey est la grande vedette de la distribution. Par contre, les orphelins bien plus intéressants et charismatiques que Olaf et les efforts de Carrey pour alléger le personnage conviennent très mal au film. Si Carrey nous fait rire de temps à autre, les actions de son personnage sont beaucoup trop viles pour qu’on puisse le prendre à la légère et il en résulte un dédoublement de ton dont le film ne se remet jamais tout à fait. Moins de folie et plus de menace de la part d’Olaf auraient aidé le film.

L’intrigue s’inspire d’épisodes des trois premiers romans de la série et ce caractère épisodique se transmet au film tel un virus. Les désastreuses aventures des orphelins Baudelaire démarre fort bien mais l’ensemble devient répétitif dès que les Baudelaire quittent la demeure d’Olaf pour changer de gardien. Heureusement, les décors somptueux et la richesse visuelle de l’adaptation aide à passer le temps pour les adultes, même si les péripéties laissent de temps à autre échapper notre attention. Siberling et ses collaborateurs plongent tête première dans le gothique à mi-chemin entre l’univers de Tim Burton et celui de Charles Addams. La musique de l’irremplaçable Thomas Newman (Six Feet Under, American Beauty) vient appuyer l’ambiance tordue.

Un autre aspect fort réussi est la narration de « Lemony Snicket », joué par un Jude Law dont on ne voit jamais le visage. Ses mises en garde contiennent juste ce qu’il faut de menace réelle et d’amusement à nos dépends et rappellent directement les romans. Les jeunes Emily Browning et Liam Aiken sont tout simplement époustouflants, tandis que les jumelles Hoffman amusent dans le rôle de Sunny, le bébé qui veut tout mordre. On aurait aimé que les acteurs adultes fassent preuve d’autant de retenue et de subtilité mais Meryl Streep et Jim Carrey ont choisi la voie de la bouffonnerie.

Trop sombre pour être vraiment drôle et trop allégé pour être vraiment sombre, Les désastreuses aventures des orphelins Baudelaire par Lemony Snicket finit par perdre son chemin à force de ne pas savoir quelle voie emprunter. Loin du désastre, le film s’adresse aux enfants plus matures et aventureux et aux adultes qui ont également ces qualités. Une chose est certaine, je serai du prochain film (la table est mise pour une suite ou deux), pas pour le comte Olaf, mais pour voir ce qui arrive à ces charmants orphelins.

par Nicolas Lacroix
vu en version originale anglaise

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