Pour sa dernière mission avant une retraite bien méritée, Joe, Américain solitaire et impassible, se rend à Bangkok afin d’assassiner quatre hommes. Toute sa vie, le tueur à gages a respecté les règles qu’il s’était fixé dont celle de ne pas tomber amoureux pendant qu’il travaille ni de se lier d’amitié avec les gens qu’il croise au boulot. Or, une fois en Thaïlande, il est décontenancé par une pharmacienne sourde et muette ainsi que par un jeune homme dont l’attitude s’apparente à celle qu’il adoptait à une autre époque. Et de là, inévitablement, les choses vont se compliquer.
Plusieurs raisons expliquent pourquoi des cinéastes souhaitent ardemment réaliser eux-mêmes la relecture à l’américaine d’une de leurs œuvres : la chance d’amener un public plus important à s’intéresser à leur histoire, l’opportunité de modifier quelques détails qui accrochaient précédemment et la pensée magique que cette nouvelle version sera l’élément déclencheur d’une renommée au pays de l’oncle Sam. Voilà pourquoi, moins de dix ans après avoir présenté Bangkok Dangerous dans de nombreux festivals à travers le monde, les frères Oxide et Danny Pang ont tenu à retrouver un univers qu’ils connaissent bien. Sans être dépourvu d’intérêt et de contenu, leur « remake » est un film dont les excès finissent par rattraper (et ultimement dépasser) les bons coups. Ce n’est pas l’action qui manque, mais l’exagération guette toutes les scènes.
N’ayant visiblement aucun complexe à enchaîner scènes explosives et moments se voulant attendrissants, les deux réalisateurs ont un certain talent. Quelques-unes de leurs séquences n’ont rien à envier aux bons films d’action qui peuplent le paysage hollywoodien. Ils ont aussi des idées intéressantes qui propulsent le récit dans une autre direction (voir le moment où Joe se découvre un béguin pour une femme). Seulement, il faut avouer que la désagréable sensation que les frères Pang ont voulu faire vite ne nous quitte jamais vraiment. Il y a même certains passages qui s’apparentent drôlement à ceux d’un mauvais téléfilm. Ouch ! La narration de Cage est assez concise et pointue pour rehausser un scénario correct, sans plus. Les péripéties sont nombreuses et disons que la découverte des milieux criminels et de la ville de Bangkok procure un côté exotique.
Par contre, après avoir vu ce Bangkok Dangerous/Danger à Bangkok, deux questions s’imposent immédiatement : est-il possible que Nicolas Cage se retrouve bientôt dans la catégorie de ces acteurs qui n’arrivent plus à émouvoir? Lauréat d’un Oscar et d’un Golden Globe, se peut-il qu’il soit ultimement comparé à ces hommes (l’exemple facile est Keanu Reeves) qui peuplent Hollywood sans raison? En tout cas, il faudra que la star de 44 ans fasse bien attention. Car honnêtement, il semble qu’il n’y ait qu’un simple pas à franchir. Pendant presque toute la durée de ce long métrage d’action, Cage campe un personnage qui ne doit pas laisser parler ses émotions. Hélas, on attend trop souvent cette petite lueur dans les yeux de Cage qui nous rapprochera un tout petit peu de Joe. On comprend que le personnage doit avoir une importante retenue – ne serait-ce qu’en raison de son métier – mais il aurait absolument fallu que Cage hausse son niveau de jeu d’un cran pour cacher certaines erreurs (voire énormités) des frères Pang.
Heureusement, entre deux explosions, entre deux batailles sorties tout droit du film Karate Kid et entre deux rafales de balles qui ratent leur cible, il y a quelques personnages secondaires fort sympathiques dont Fon, cette timide pharmacienne campée par une jolie et ô combien lumineuse Charlie Yeung. Impossible également de passer sous silence l’effort de Shahkrit Yamnarm en Kong, le « protégé » de Nicolas Cage. L’acteur thaïlandais offre un vent de légèreté qu’il fait bon sentir souffler sur certaines séquences. C’est ce qui fait majoritairement défaut dans le nouveau Bangkok Dangerous : on se prend beaucoup trop au sérieux et chacune des interprétations mollasses, chacun des plans plus faibles et chacune des extravagances (la finale ridicule est le point culminant) viennent gâcher une bonne partie du plaisir dont on aurait pu tirer du film. Oui, Nicolas Cage devra enfiler une série de performances honnêtes avant qu’il ne soit trop tard…
Par Yan Lauzon
Vu en version originale anglaise.