Polytechnique Affiche de film

Polytechnique

Polytechnique

  • Date de sortie: vendredi 6 février 2009
  • Genre: Drame, famille

  • Réalisateur: Denis Villeneuve
  • Producteur: Maxime Rémillard, Don Carmody
  • Scénario: Jacques Davidts
  • Studio: Alliance Vivafilm
  • Durée: 1h 17m | Classification: 13+
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Critique

Impossible de ne pas susciter un débat en ressassant des événements aussi tragiques que ceux survenus à l’École Polytechnique de Montréal il y a maintenant vingt ans. Pourtant, le cinéaste québécois Denis Villeneuve a choisi d’aller jusqu’au bout. Il n’a pas cessé de croire qu’il y avait une histoire à raconter, un message à véhiculer. Malgré l’opposition claire et nette démontrée par certains en rapport avec son film, il a réalisé Polytechnique, un drame poignant et sincère, à la fois sobre et maîtrisé. Il a livré un travail plus qu’honnête et a démontré toute l’étendue de son talent. Une réussite artistique indéniable.

Le 6 décembre 1989 est une journée noire dans l’histoire du Québec. Avant de s’enlever la vie entre les murs de l’École Polytechnique de Montréal, un étudiant a froidement abattu quatorze femmes. Il se baladait avec un profond mépris pour les féministes. Blessée, Valérie a survécu, mais pas à n’importe quel prix. Elle a eu plus de chance que ses camarades de classe, mais trimbalera à jamais cet horrible souvenir avec elle. Un jeune homme, Jean-François, sera lui aussi très affecté par la tuerie qui a fauché de nombreuses et innocentes victimes.

Avant même d’être le récit chargé d’émotions d’une folie meurtrière, Polytechnique est une œuvre artistique réussie. Le danger de renouer avec ce triste passé était immense. Mais, ayant effectué un travail colossal, Denis Villeneuve a toutes les raisons du monde d’être fier de son long métrage. La décision qu’il a prise de tourner son film complètement en noir et blanc a été salutaire. Les scènes – composées de superbes images – sont porteuses de sens et ô combien troublantes. Leur portée ne fait aucun doute. Jamais. Il sait également comment nous laisser pénétrer dans son univers. Grâce à des plans habilement fignolés et une technique de tournage parfaitement à point, ses séquences sans dialogues en disent autant, sinon plus, que lorsqu’on donne la parole à la distribution.

Ce dur récit où la cruauté d’un individu a anéanti tant de gens a permis à Karine Vanasse (fort efficace et très touchante) de reprendre sa place au grand écran, soit celle en haut de l’affiche. Devant négocier à la fois avec la crainte, l’horreur, la tristesse et la frustration, son personnage de Valérie est aussi habité par ce qu’il y a de plus beau dans la vie, soit l’amour et l’espoir. Tout le contraire donc du tueur campé par un Maxim Gaudette intense, qui économise autant ses gestes que ses mots. La stabilité du récit est complétée par Sébastien Huberdeau qui, sans être des plus éclatants, s’en tire plutôt bien dans la peau de Jean-François, un étudiant qui vient en aide aux victimes de la tragédie sans savoir comment se sortir lui-même de cette atrocité dont il est le témoin bien malgré lui.

Habilement amenée par le biais de trois points de vue fort différents – du tueur, d’une femme blessée et d’un étudiant empathique -, l’histoire est présentée de façon concise, allant droit au but. Le passé du jeune homme qui a commis cet acte odieux avant de s’envoler avec sa vie n’est qu’à peine effleuré, par le biais d’une lettre qu’il a rédigée pour expliquer son acte de démence. Le scénariste Jacques Davidts n’a pas voulu justifier quelque acte que ce soit. Il n’a pas tenu à pointer du doigt des gens ou encore à donner des explications à un geste qui dépasse l’entendement. Que des faits. Petit bémol cependant, la trame narrative présente notamment par le biais de lettres – celle rédigée par le forcené et celle écrite par Valérie – aurait mérité d’être resserrée, voire peut-être même d’être supprimée par moments. On se tient ainsi un peu à l’écart de la situation. On se détache malencontreusement un tout petit peu de l’univers.

Dès la scène d’ouverture, véritable coup de poing, on est en droit de s’attendre à un film de qualité. Et la déception, ne serait-ce que de façon brève ou subtile, ne se pointera en aucune occasion le bout du nez. Le cinéaste Denis Villeneuve est en plein contrôle de la situation. La charge émotive est extrêmement présente. L’aspect artistique est soigné à souhait. Bref, qu’un seul mot pour qualifier le travail effectué avec Polytechnique: chapeau.

Par Yan Lauzon

Vu en version originale française.

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