Cadavres (v.o.f.) Affiche de film

Cadavres (v.o.f.)

Cadavres

  • Date de sortie: vendredi 20 février 2009 (limité)
  • Genre: Comédie

  • Réalisateur: Érik Canuel
  • Producteur: Christian Larouche, Pierre Gendron
  • Scénario: Benoît Guichard
  • Studio: Les Films Séville
  • Durée: 1h 57m
  • Site officiel: www.cadavres-lefilm.ca
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Critique

Avec Érik Canuel, c’est à prendre ou à laisser. Ne vous attendez pas à ce que le cinéaste québécois se prive du corps d’une belle femme nue, de coups de fusil bien envoyés ou de blasphèmes sentis seulement pour éviter de choquer ceux et celles qui ont les yeux purs et les oreilles chastes. L’intense réalisateur ne fait pas du cinéma pour ces gens-là. Il le fait d’abord et avant tout pour lui, sans concessions, sans limites et apparemment sans tabous. Cela ne se fait par contre pas toujours sans heurt. Le meilleur exemple est probablement Cadavres, son nouveau film. Se voulant une comédie, son long métrage est rempli de moments absurdes, flyés et d’individus qui le sont tout autant. Mais les ratés sont généralement derrière – ou pas très loin - de tous ces gens.

Pour soulager sa mère, triste à mourir, Raymond la tue après qu’ils aient passé la soirée ensemble à boire à s’en rendre saouls. Il va jeter son corps dans l’eau et appelle sa sœur Angèle, se sentant seul et n’ayant plus d’argent. Vedette d’une populaire série télévisée, celle-ci débarque, ayant toujours en tête des moments agréables vécus avec son frère alors qu’ils n’étaient encore que des enfants. Mais, bien vite, ce n’est pas seulement avec un cadavre que le duo devra composer… Étrangement, et dans des circonstances particulières, les morts s’additionneront rapidement. Et c’est sans compter le fantôme de la mère qui viendra dire sa façon de penser à Raymond.

Fort de l’immense succès qu’il a connu il y a trois ans avec son film d’action Bon Cop, Bad Cop, le réalisateur Érik Canuel retrouve son bon ami Patrick Huard avec Cadavres. Ce dernier, beaucoup trop souvent éteint pour être sympathique, manque de tonus. Si son apparence a considérablement changé pour le rôle de Raymond (il a pris plusieurs livres, s’est laissé pousser la barbe et les cheveux), il n’en reste pas moins amorphe et assez inintéressant. Cela vaut d’ailleurs pour la majorité des personnages, à l’exception de Christian Bégin (hilarant sous ses allures du constable Ronald Pilon) qui vole la vedette lors de ses quelques scènes. D’ailleurs, la plus drôle du film lui revient, celle de la salle de bains où, pris avec des maux de ventre, il découvre, estomaqué, qu’il n’est pas seul dans la pièce. De son côté, Julie LeBreton joue trop gros, pousse tout le temps trop fort. Au moins, ses techniques de séduction ne font aucun doute…

Côté réalisation, Érik Canuel s’est payé la totale. En fait, on a l’impression qu’il a tenté de se concocter un portfolio (une carte de visite pour les États-Unis?) en parsemant son film de nombreuses scènes truffées d’effets. On voit et on entend l’influence du burlesque, le désir d’être remarqué dans un grand fracas. Le résultat est somme toute satisfaisant. Par contre, lorsqu’on quitte cet univers – qui, force est d’admettre, détonne avec l’ambiance généralement drabe et peu stimulante du long métrage – on retombe dans des scènes moroses où un peu de piquant et d’éléments tape-à-l’œil n’auraient pas fait de tort. Prêchant par excès, Canuel s’est assuré qu’on puisse admirer les courbes de Julie LeBreton, mais aussi qu’on soit confrontés aux visages défigurés des cadavres, à l’eau brune de la salle de bains et à la sortie des déchets évacués par la toilette. Absence de subtilité aussi chez le réalisateur qui, voulant montrer plusieurs scènes de la série télévisée fictive Cadavres apparaît à deux reprises, sa chevelure grise bien en vue.

Une autre évidence saute aux yeux avec cette comédie où règne l’absurdité : le récit est sans grand intérêt. Il ne rime pas à grand-chose. Il se veut provocateur, mais rate son coup. Les traits de caractère des personnages de cette histoire abracadabrante sont soulignés à gros traits alors que les situations, impossibles, sont poussées à la limite. Tout sauf sympathiques, les protagonistes nous laissent de glace. Le constable Pilon campé par Christian Bégin a hérité des situations les plus amusantes alors que le criminel joué par Hugolin Chevrette, touché par la mort d’un cochon, permet de sourire quelques secondes. Mais, la plus part du temps lorsqu’on rit, c’est tout simplement parce que l’histoire est à dormir debout. Il ne faudrait jamais oublier que faire rire, c’est plus facile à dire qu’à faire. Même les plus grands humoristes l’ont compris.

Étrangement, malgré un film sans lustre, le générique de fin de Cadavres - grâce auquel les membres les plus importants de la distribution sont présentés en dessins animés - nous prouve qu’une alternative colorée aurait été envisageable afin de rehausser la qualité de l’œuvre. En choisissant d’en faire un long métrage d’animation, l’histoire aurait probablement paru moins terne. Les excentricités du réalisateur Érik Canuel auraient été davantage à propos. Les acteurs n’auraient pas eu à se donner autant de mal pour être crédibles. Malheureusement, pour une raison ou pour une autre, on a préféré l’action réelle…

Par Yan Lauzon

Vu en version originale française.

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