Spanglish : j'en perds mon latin Affiche de film

Spanglish : j'en perds mon latin

Spanglish

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Critique

On pourrait qualifier le cinéma de James L. Brooks, scénariste, producteur et réalisateur, comme un genre à part. As Good As It Gets, Boadcast News et Terms of Endearment font partie de ces rares films qui font rire et pleurer avec autant d’habileté, les deux buts toujours bien en harmonie. Brooks nous offre sa plus récente tentative de jonglage de genres avec Spanglish, qui met en vedette Téa Leoni, Adam Sandler et Paz Vega.

Une jeune mère mexicaine émigrée aux Etats-Unis, Flor, déniche un boulot comme bonne/gouvernante au sein d’une riche famille californienne. Malgré le barrage apparent que représente son incapacité à comprendre et parler l’anglais, Flor se voit forcée de s’impliquer dans cette famille plus qu’elle ne le désire.

Le terme Spanglish décrit un langage mêlant l’anglais et l’espagnol et dans le cas du film, le choc des cultures entre la humble jeune mère espagnole et l’opulente famille américaine. La table est mise pour une petite leçon de vie comme le cinéma américain aime bien nous en faire. Le résultat final s’avère par contre trop près du « sitcom » avec des situations et personnages impossible à prendre au sérieux. Une surdose de méchanceté qui rend mal à l’aise vient également saborder les efforts de Brooks pour nous faire vivre une expérience en même temps que ses personnages. Pourtant, ça y était presque.

Le problème fatal vient du scénario de Brooks, du personnage de Deborah (la mère américaine) pour être précis. Brooks en fait une méchante digne de Star Wars, sans subtilité et strictement présente pour avancer la cause de Brooks. Deborah maltraite psychologiquement sa fille, se préoccupe plus de son corps que de sa famille, usurpe l’autorité d’une autre mère (Flor) auprès de sa fille (Cristina), blâme sa propre mère pour ses problèmes, est égoïste dans la chambre à coucher, ne sait pas s’occuper du foyer et trompe son mari. Ouf… il n’y a pas grand personnage qui survivrait à un tel amalgame de chienneries, encore moins de la façon maladroite et remplie de fiel dont Brooks a écrit le personnage. Pourtant Brooks fit de Melvin Udall, dans As Good As It Gets, un être méchant mais 1-la méchanceté de Mevlin n’était pas gratuite, on en comprenait la raison (un mécanisme de défense) et 2-le personnage projetait une chaleur humaine malgré ses excentricités. La pauvre Téa Leoni fait bien son possible mais le rôle de Deborah est bien trop ingrat pour une actrice, aussi sympathique soit-elle.

Paz Vega, qui fait ses débuts dans un film américain, dégage la beauté et la sagesse nécessaires au personnage. Adam Sandler n’a pas grand-chose à jouer outre la retenue ponctuée d’une petite explosion ici et là et il s’en tire plutôt bien (mais pas du calibre de Punch-Drunk Love). Les acteurs les plus impressionnants sont certainement les deux jeunes filles, Shelbie Bruce et Sarah Steele, qui jouent les fillettes de chaque famille. Cloris Leachman s’amuse ferme dans un rôle de grand-mère sorti tout droit de Parenthood.

Spanglish est une expérience frustrante pour le spectateur car le film contient de nombreux passages prenants et même émouvants. Malheureusement, tout comme le mélange disgracieux de la langue du titre, la somme de ses parties équivaut en bout de ligne à un échec. Spanglish ne possède aucunement l’équilibre gracieux des films précédents de Brooks, qui naviguaient si facilement entre drame et comédie. Ici, la comédie est trop rare et les moments dramatiques semblent trop préfabriqués, des tentatives désespérées pour nous faire pleurer.

par Nicolas Lacroix
vu en version originale anglaise

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